Mes souvenirs les plus forts de cinéma : une minuscule pièce. L’écran est abimé mais dispose d’un son de qualité. J’ai pour la première fois la direction, une télécommande. Je tourne très rapidement en rond. Je récite, j’apprends par cœur les dialogues, chorégraphies, mouvements, chansons, coups. Le film devient ma performance, je dois le connaître mieux que la veille, être en rythme, tenir la note. Je m’adresse aux personnages : « N’y va pas ! » « Trop tard Huck… ».
Le cinéma devient parfois mental, je fais tout sauf le regarder.
Des premiers films que j’ai pu voir en salle, je ne garde que très peu de souvenirs. J’ai sûrement développé mon cerveau à devoir me répéter les films encore et encore pour les connaître et les aimer. Les salles en revanche sont encore très claires en moi. La plus importante reste celle du cinéma de l’Etoile, minuscule. Les rangées sont soigneusement organisées et la plupart des groupes chuchotent et s’amusent, le mien le premier, plutôt que de regarder.
Il vient assez tard, le premier film vu en salle qui me marque durement. Je me dis que c’est beau, que les acteurs font de grandes choses, que la violence de ce film me touche. Il me semble que pour la première fois, je réfléchis le film en tant qu’œuvre. Dans le gigantesque cinéma de mon adolescence, je suis perturbé par le bruit, je veux qu’il s’arrête.
J’ai besoin de le revoir. Depuis mon canapé, je trouve le film encore meilleur. Je suis toujours le même. Je revois, je récite.