#boost#11, Draeger | Terreurs nocturnes

Enfants, nous passions nos étés ma sœur et moi à redécouvrir les recoins de cette maison ancienne qui fut jadis notre refuge. Les fenêtres, aux carreaux fendillés, laissaient filtrer la lueur blafarde de la lune.

Dans le salon, nous retrouvions les fauteuils défoncés où nous avions tant ri l’après-midi. Mais la nuit, c’était comme si le temps s’était figé, tout devenait irréel. Nous marchions sur la pointe des pieds. Nous avancions à tâtons, les mains tendues dans l’obscurité, lissant les murs, tournant avec précaution les poignées de porte.

La nuit, les ombres s’étiraient comme des fantômes sur le parquet usé. Avant même de rejoindre le jardin, la peur nous gagnait, la peur de croiser un adulte, la peur de faire du bruit, la peur irrationnelle du vilain.

Certains soirs, nous retrouvions en cachette la cousine Sonia et sa sœur Farah. Elles nous entraînaient au fond du jardin, là où il n’y avait presque plus de lumière. Nous nous glissions derrière les hydrangea. Assises sur la terre humide, nous respirions l’humus à plein nez. Nous jouions à nous raconter des histoires terrifiantes. Nous en sortions dans un tel état de frayeur qu’il nous fallait courir jusqu’à la maison pour retrouver nos chambres.

Nous devions faire des acrobaties pour remonter sans faire de bruit. Le vieil escalier grinçait sous nos pas, chaque marche ravivait des échos effrayants. Soulagées, nous atteignions notre chambre où les murs étaient recouverts de vieux papiers peints représentants des motifs floraux démodés. Pourtant, quand nous revenions le cœur battant, nous ne pouvions nous empêcher de toucher ces vieux murs. Le soyeux du papier et la dureté de la paroi nous rassurait, nous étions sauvées. Pourtant, son odeur un peu moisie nous rappelait celle de la terre où nous étions assises quelques instants plus tôt. Alors, nous sentions vibrer encore les échos de nos conversations nocturnes.

2 commentaires à propos de “#boost#11, Draeger | Terreurs nocturnes”

  1. Ce texte simple (ce n’est pas le bon mot, je veux dire réaliste plutôt) fonctionne parfaitement, la peur nous gagne, tous nos sens en alerte, un mélange de rassurant à la fin mais pas tant que cela. J’aime beaucoup la sensualité de ton texte, Khedidja, et la description de la maison que je pensais à tort au début abandonnée. Merci.

  2. histoires de vieille maison et de cachettes qui nous appartiennent à tous… pas vraiment de terreur, juste l’envie de jouer à se faire peur à se glisser dans le noir comme ça et à voler ces magnifiques odeurs de terre à s’en étourdir…
    belles vibrations, et merci pour tout ça Khedidja

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