Le précédent candidat avait appelé mon nom en quittant la salle, c’était mon tour d’avancer vers le bureau ravalant ma salive qui circulait dans un sens que je ne lui connaissais pas, essuyant au passage mes mains contre mon pantalon, le corps traversé par des courants froids et chauds. Les fenêtres se reflétaient sur le sol fractionnant la pièce en rectangles inégaux, les trois crânes des notateurs étaient dans la pénombre, encore absorbés par le cas précédent. Soupirs, bribes de mots que l’esprit alarmé ne pouvait s’empêcher de reconstruire en phrase, archéologue inconscient des morceaux laissés dans l’air. Je veillais cependant à garder une certaine distance pour ne pas troubler le conciliabule. Dans le rectangle lumineux du linoleum des nids de gribouillis, de langages circulaires, traces de tous les passages de baskets de talons de pieds de table et de chaises remuées. Je n’avais pas entendu leur rappel. Ils s’impatientaient me tendant les deux enveloppes. En balance devant les deux enveloppes. Celle de gauche ou celle de droite d’où dépendait la suite de mon existence ou de mon année tout au moins, consciente des cratères de mes connaissances, sans doute une impasse à portée de main, qu’importe, se raviser, être plus maligne que le hasard et prendre celle qu’on n’aurait pas prise. Plein ciel au dixième étage, chaleur des verrières qui ne s’ouvraient pas. La rumeur colportait que des corps tombaient.
5 commentaires à propos de “#boost#09|c’est ton tour.”
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Impressionnante cette ambiance du moment d’avant « c’est ton tour ». Des détails, les cinq sens aux aguets qui font un Tout et rendent l’attente encore plus vraisemblable. Grand plaisir à te lire.
Merci Hélène
Merci Marie pour ton retour. Ce que je remarque en te lisant aussi, c’est que le moment choisi dans une durée brève, correspond à un état suspendu où la conscience bat la campagne, le corps perçoit toutes les informations, il y a une sorte de dedoublement.
« ma salive qui circulait dans un sens que je ne lui connaissais pas »
formidable, très kafkaiesque. la minute juste avant le verdict, non, pas de verdict ici : un tirage au sort ! l’avancée vers les 3 notateurs. on est tenté de croire à un rêve, mais à certains détails on se dit l’expérience vécue. oui, très proche des courts textes de kafka que FB avait joints à la consigne.
« être plus maligne que le hasard et prendre celle qu’on n’aurait pas prise. »
Merci Véronique pour ta lecture. c’est effectivement une scène qui appartient autant à la réalité qu’au rêve.
« être plus maligne que le hasard et prendre celle qu’on n’aurait pas prise. Plein ciel au dixième étage, chaleur des verrières qui ne s’ouvraient pas. La rumeur colportait que des corps tombaient. »
quelle chute !!! bravo pour cette terrible minute