L’habitant de la face en désordre n’abandonne pas…
Trogne hideuse que l’on pourrait croire ravagée par la fameuse paire colère-jalousie, buriné par le soleil, taché par l’alcool et le temps. Moue de dégout. Yeux exorbités, qui cherchent à foutre le camp loin du visage, loin de ce qu’il a vu, à commencer par son propre reflet. Verrues pendulaires qui s’agitent au gré de ses colères, mais uniquement du côté valide. Ce caillot coince-veine ou cette autre maladie qui lui a effondré un pan de visage, œil joue et demi-bouche affaissés semblent ne plus obéir à personne, éternellement apathiques, ils lui bouffent la moitié des réactions qu’il pourrait laisser entrevoir. Visage carcan-cocon-camisole que l’on pourrait croire définitivement coupé du monde, indifférent à tous ceux dont il est dissemblable. Pourtant s’indigne face au visage pincé-tiré de celle qui veut contourner les ravages du temps, celle qui cherchant à brider yeux et sourires, froisse jusqu’au regard de ceux qui font face à sa face grimaçant ses projets de lissage parfait.
— La vieille dans ses replis de peau diaphane cache secrets et souvenirs.Alors arrête de crémer tes ridules pour les combler, où enterreras-tu les vilénies que tu veux dissimuler au monde —
Encourage d’autres visages maudits à rayonner, de la cicatrice chéloïdienne qui violace, à la tâche vineuse que l’on cherche parfois à apprivoiser, citant des envies maternelles dont elle serait conséquence, en passant par les lacunes mélaminiennes, ces dépigmentations étouffant sous le badigeon d’écran total terracoté, ou d’autres cratères où la lumière rougeoie.Lui fraternise, ne prend pas le temps de sonder sous les défauts d’apparence si le profond intérieur est ou non digne d’intérêt. Voit tout de suite au travers du repoussant ce que les éraflures peuvent laisser filtrer. Écoute ce que les bouches les plus édentées, ont à relayer, sans se soucier des canons, des qu’en dira-t-on des esthétisants.Caresse les joues rugueuses ou parcheminées de couperose, constellées d’angiomes, qui ne connaissent que les gestes désespérés des doigts qui tentent de cacher la misère et laissent glisser la douleur le long de cette peau qu’ils voudraient troquer contre un masque indélébile, indécollable.
Sale trogne mais belle âme, ouvroir de beauté intérieure.
toi non plus, tu n’abandonnes pas ceux-là qui en la face en désordre..merci.
…Ravages du temps…masque…visages terracotés dans un monde qui se » dépigmente »… Merci pour ce texte puissant de vérité.