Le chemin de halage et le saule par la fenêtre du premier étage, la Seine. Asymétrie de la crue, l’autre rive se baigne ; on dirait le paysage sous calque, les constructions fantomatiques, la petite auberge avec sa tonnelle presque effacée ; à voir les containers d’ordures alignés on imagine des vies sous l’opaque. Descendre, passer le seuil : un simple portail de bois vert ; la péniche à quai fait office du tourisme – en transparence les présentoirs de dépliants et de revues, quelques affiches décolorées –, fermée, comme le musée avec La Valse, comme l’hôtel étoilé, ou la brasserie du pont ; toutes les villas du quai sont à vendre, ou presque ; un dernier retournement pour saluer la maison taguée au plâtre mort, le lierre arraché forme une montagne, les arbres du jardin ploient vers le fleuve. Par-delà l’eau filante, à contre-courant, un nuage anthropogénique au modelé parfait – Léger aimait les nuages et les fumées d’usine. Remonter la berge, s’arrêter sur le pont ; à l’opposé du nuage atomique, l’industrielle façade de briques et de verre (moulin, puis minoterie Sassot frères, puis S.A. des Grands Moulins de, puis Minoteries de l’Est, puis S.A. des Moulins de Nogent, actuellement Groupe Soufflet ) comme un palais désaffecté ; une barque éméchée fait des quarts de tour au bout de sa chaine ; il parait que Flaubert a pêché sur ces rives , Achille Cléophas, c’est le prénom du père, aurait grandi ici ; j’ai en tête le mot vultueux, j’ai en tête une tête d’un autre temps… Sous les grands arbres de la place une femme de pierre allaite un vieillard à genoux : La piété filiale c’est le titre, la piété a bon dos ; la route se prolonge en maisons d’un seul étage, vitres brisées ou condamnées, volets clos, briques édentées, lézardes, rouille ; le temps creuse en silence. La gare refaite et pimpante reste fermée ; le quai semble de nulle part ; une femme filme une autre femme avec son téléphone portable, voix d’une autre langue, et c’est un autre voyage, autre du bout du bout du monde qui revient dans sa langue ; des mondes se croisent sur ce quai de nulle part
2 commentaires à propos de “#boost #00 | 48° 28′ 59.99″ Y: 3° 30′ 0″ Vers l’est”
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heureuse de retrouver tes ambiances où « le temps creuse en silence »…
merci pour cette présence
Merci à toi Françoise