C’est le seul moment où je me sens vraiment bien. Ici le mot bien est ainsi défini : sans peur/ sans colère/sans angoisse/ sans tristesse. Au point, parfois, de caresser du bout des narines le nirvana. Ici le mot nirvana est ainsi défini : sans pensée/ sans émotion/ dans un état d’être indicible. Cela se passe à un moment très ordinaire de ma vie. Cela se produit quand je respire. Ni plus ni moins, mais d’une certaine manière. Je suis assise ou allongée. J’inspire par le nez à pleins poumons. Sentir la cage thoracique se soulever, les côtes s’écarter, le ventre gonfler. J’expire par la bouche, sans forcer, en soupirant presque, en ne retenant aucune particule de l’air absorbé. Trente fois de suite accompagner le corps dans cette danse respiratoire. A la dernière expiration, se laisser glisser dans un mystère apnéique. Je ne respire plus, je suis en vie. Mon cœur n’est plus nourri, il continue de battre. Je ne ressens rien qui, une fois de retour de ce voyage, puisse être exprimé avec clarté. Ce n’est ni la nuit ni le jour. Trente secondes plus tard, ou une minute, ou trois parfois, je suis comme le plongeur tenté de rester dans les profondeurs océanes. Un instinct de retour à la drôle de vie là-haut, bancale, avec ses souffrances et ses errances, me rattrape.
Une puissante inspiration m’envahit. Être à nouveau gorgé, gavé d’air. Imaginer l’énergie de ce souffle s’immiscer jusqu’au plus petit noyau de la plus petite cellule du corps. Tout vibre différemment. Retenir, poumons pleins, cette vitale inspiration pendant quinze secondes. Souffler. Ouvrir les yeux. Tout est là. Le lieu où je me suis posée, rien n’a changé et tout s’est pourtant modifié. C’est un moment où je me sens mieux. Après ? La vie reprend son cours, avec ses aspirations et ses essoufflements, jusqu’à la prochaine nécessité. De respirer. Autrement.
Suis revenue plusieurs fois lire ton texte pour respirer autrement… mais pas cliqué sur la méthode…
Merci Eve
merci pour ce texte, parfaite description du phénomène et merci pour la méthode !