#boost #00 à #07 | traversées, hiver 2025

#00 plage des fées
#01 crisse marmonne craquèle

#02 presque le soir sans doute
#03 sa vie même
#04 et qui sourd en soi
#05 et c’est ici que la rage invisible
#06 ainsi marquée

#07 il n’y aura qu’une peur

#00 bout du monde

côte de jade, ©françoise renaud, 2022

Plage des fées 47°07’05’’N2°10’01’’W

Ici c’est la mer qui commande, commande la terre et ses bordures, érode les roches et les arbres, ici la mer s’annonce quel que soit l’endroit où l’on se tient dans le pays, et sitôt qu’on se met à marcher, l’air se transforme et nous conduit forcément dans la bonne direction tout au bout de la terre et à chaque fois ça ressemble à un bout du monde

touristes rares à l’époque, petites routes de la côte désertes, sentiers libres et sauvages, chacune s’initiant dans les champs et prairies de l’intérieur s’orientant à un moment donné vers le sud, cette fois emprunter la route de la Plage du Portmain (sans doute qu’elle ne portait pas encore ce nom-là), maisons basses accroupies pour mieux se protéger des vents forts, jardins aux bordures végétales exubérantes, bientôt graminées ondulantes sur les talus schisteux dominant la surface liquide bleue ou verte (ce jour-là il n’y a personne), dépasser la cale à dériveurs et le petit parking pas commode à manœuvrer, poursuivre à droite vers le nord-ouest le chemin des Fontenis, en général ça souffle et il n’y a rien à enlever au paysage, il est brut puissant et infini, ses horizons secrets et mauves
et juste après la plage des Fées, plantes à l’unisson constituant la lande ponctuée d’arbres géants habitués des tempêtes, 
avancer à pied ou à vélo,
terre détrempée (c’est l’hiver), larges flaques abreuvoirs pour les traquets motteux des taillis, ajoncs ramassés en zones denses impénétrables où cohabitent des oiseaux et des lapins et d’autres animaux, troncs de cyprès lamberts abattus ci et là offerts à la dégradation inéluctable.

Ici, réseau de sentiers que j’ai parcourus dans tous les sens depuis ma naissance, aucun panneau indicateur, ici c’est la mer qui sert de repère et aussi son odeur, elle fait partie de moi, et quand les vagues se faisaient déferlantes en été j’aimais m’y rendre en vélo avec les camarades les plus téméraires pour rouler dans ces vagues qui déchiraient le rivage en travers et lutter contre les courants, s’étourdir à y perdre le souffle sans jamais avoir peur (à présent il y a des bancs pour les promeneurs et des palissades pour les empêcher d’écorcher la lande à trop approcher des falaises), si belles et dangereuses ces franges maritimes qui ourlent le pays de campagne.

#01 quatre strates de la terre

sol, ©françoise renaud, 2023

crisse marmonne craquèle
(elle ne fait que donner)

ST1 

Terre entourant composant le domaine — on la voit depuis les fenêtres ou quand on roule en voiture dans le pays de collines et de petites forêts. En champ en friche en bois en prairie. En rotation de saison en saison, en mutation depuis la feuillaison jusqu’au temps de la perte, en réception de ce qui vient d’en-haut. Terre vivante respirante. Terre absorbant tout ce qui tombe sur elle, résidus végétaux, pollutions, poussières d’étoile, et toute cette eau qui vient par secousses ou en bruine et qui modifie sa texture et sa couleur. C’est selon la nature de la pluie, selon la nature de la pente, selon l’espèce des arbres s’il y en a. Terre à peine humide et sombre. Ou alors mottes collantes. Ou alors grasse et luisante. Ou alors inondée, larges flaques dessinant des marelles qui reflètent le ciel dans les champs. Pattes d’aigrettes blanches plantées là, fidèles à ces parcelles où elles trouvent leur lot.


ST2 

je parle crisse marmonne craquèle je sors je lui parle à elle comme au ciel je glisse dans la pente je criaille dérape je me casse les os mes mots dérapent et ruissèlent dans la pente qui transporte toute chose glisse et dérape ma langue s’embourbe dans la vase tant que la pluie tombe je râle chuchote marmonne en prends mon parti quand ma bouche se remplit de terre contrairement au bec de l’aigrette qui la filtre crisse craquèle les débris de coquilles les os brisés enterrés

ST3 

Mes pieds avancent dans la terre douce et tiède. Parfois froide et pleine de cailloux. Mon corps se penche. Mes mains se battent avec elle, s’insèrent en elle, dessinent des niches et des sillons pour semer planter. Une belle terre capable de nourrir. L’herbe aussi peut nourrir, les lapins, les brebis, les fourmis. Les oiseaux fouillent avec leur bec dans l’herbe et dans la terre. Ils trouvent de quoi manger. Je n’ai pas d’organe pour faire comme eux, seulement des pieds à poser dans l’herbe pour marcher et glisser dans la pente, et des mains pour préparer la terre sous l’herbe et à côté de l’herbe, pour caresser les écorces arrachées par la tempête. Je m’assois sur le sol, gratte avec mes ongles quand ça résiste, attrape un outil. Je me débrouille avec sa chair, en retour elle ne fait que donner.

ST4

La racine réclame de se faufiler jusqu’au granite.

Tout ce qui est vivant crie dans le silence des mottes. 

#02 porte intérieur porte

©françoise renaud, 2024

presque le soir sans doute

Presque le soir sans doute porte à demi ouverte porte de la chambre des parents mais rien n’est ordinaire ce jour-là il y a du monde dans la pièce une seule fenêtre avec voilages tirés la morte la petite morte est couchée sous le drap blanc elle est montée au ciel c’est la première porte poussée de ma vie rien que pleurs supports à ma mémoire parce que c’est un fait voilà ça a bien commencé comme ça. Autre porte soudainement dessinée dans le mur au milieu des motifs désuets de la tapisserie violette dont la poignée résiste il faut pousser fort trouver le bon mouvement du poignet accompagné d’une poussée du genou pour détacher le battant du chambranle et découvrir derrière une sorte d’endroit sombre et sauvage avec comme un grouillement dans le sol terreux où l’on sent que la nature pourrait à nouveau jaillir prendre possession du bâtiment tout recouvrir envahir c’est comme une sensation de terre puissante. Et puis l’autre sans poignée qu’on croirait entièrement tissée de matières végétales dissimulée dans l’obscurité un peu comme la porte d’un temple qu’on hésite à emprunter tant elle est ancienne et peut-être bien que son seuil est instable ou maudit ou les deux la franchir pourtant marcher vers la seule lumière vacillante d’une lanterne posée sur une table ou un autel et cette lumière faible incertaine qui m’encourage et guide mon voyage. Celle-ci de grandes dimensions avec de l’autre côté une lumière aveuglante en provenance d’une large baie vitrée qui donnerait sur la mer pas de doute c’est une lumière qui dans l’heure de midi éblouit les gens de la famille réunis à table comme dans un tableau de maître leurs gestes suspendus et les expressions de leurs visages impossibles à saisir. Une porte de service à l’arrière idéale pour s’échapper sans savoir qui est là ou qui manque à l’appel juste s’évanouir. Un peu la même qui échappe au regard car dissimulée en arrière d’un lourd rideau donnant sur une cage d’escalier qui sent la cuisine et l’humidité on dirait un lieu très ancien aussi mais il n’y a personne il n’y a pas de cris pas de bruits. Une autre confondue dans le mur pas de loquet pas de serrure il suffit de la remarquer et de la pousser simplement avec l’épaule afin d’atteindre la galerie où se réfugient les corps de ceux qui ne tiennent pas en place parce qu’ils sont maudits indésirés voire dérangeants énervants et là comme condamnés pas d’autre issue on ne peut que la poursuivre jusqu’au bout. Et puis il y en a une encore qui donne sur une corniche en plancher qui fait le tour de l’étage et propose différentes portes qui ouvrent sur des chambres occupées par des invités rassemblés pour la circonstance sans doute une noce en grande pompe ou un anniversaire exceptionnel et tout va s’agiter longtemps jusqu’à pas d’heure puis grand calme abattu sur une courte nuit les rires dans la coursive. Encore une autre celle que je préfère qui a une odeur de jardin et qui permet d’accéder à d’autres espaces plus fluides plus aériens. Ainsi de suite.

j'avais entendu que la proposition d'écrire disait : une porte une phrase un intérieur, puis une autre porte une autre phrase, et l'idée aussi de reparcourir des moments différents enchaînés de notre vie
et c'est ce rythme en un seul bloc qui m'a contrainte et guidée
ça aurait pu aller toute la nuit de réel en réel, de rêve en rêve

#03 la peur en l’autre

©françoise renaud, Cévennes 2018

Sa vie même

ce n’est pas se souvenir, c’est dire sa vie même, sa jeune vie dans le village de Taiknalundur
elle l’enfant Dalia, fille de Mermel, dix ans pas plus

elle dit qu’elle a

peur d’aller au-delà des remparts dans les zones interdites aux enfants, peur d’être prise en flagrant délit mais oser le faire quand même, peur de se faire gronder, peur de la forêt, peur de ce qui gronde dans la forêt, peur de croiser le loup ou le diable (dans ce pays c’est l’ours le plus dangereux, l’un d’eux avait terrassé le grand chef Linagred), peur de franchir la ligne, peur d’approcher la frontière tellement envie pourtant, peur du sauvage, peur des bêtes cruelles et du torrent sauvage qui emporte jusqu’à la mer, peur de l’inconnu, peur des hommes inconnus, peur peur peur à voir les hommes comme ils font avec leurs yeux et leurs mains quand ils ont bu, peur des hommes qui braillent, peur des cris, peur des regards qui plongent dans le corps des fillettes et des femmes et des mains qui forcent, peur des rapaces qui mangent les yeux, peur des montagnes si hautes qu’on ne s’en sort jamais vivant, peur des points immobiles qui brillent dans le ciel et ressemblent à des astres ignorés, peur que les lapereaux derniers-nés meurent de froid ou de maladie, peur qu’il n’y ait plus rien à manger sinon des os et des lanières de cuir à sucer, peur que la vie s’arrête tout court, peur que le soleil ne revienne jamais du moins pas assez fort pour faire pousser l’orge, peur de ne pas se réveiller après une nuit blanche de neige, peur d’être séparée du clan et d’être ensevelie dans un éboulis de rocher, peur de Mermel son père quand il est en colère, peur qu’il ne revienne pas de la chasse tué par un ours, peur du torrent qui avale le cadavre des pères qui ne rentrent pas de la chasse ça s’est déjà vu dans les provinces de l’Est, peur de ne pas savoir quand il faut prendre ses jambes à son cou, peur de sortir du village envie pourtant

j'ai choisi de retrouver l'enfant Dalia, personnage d'un de mes chantiers en cours que j'aime appeler "Mes hommes du Nord", l'enfant Dalia ne parle jamais, elle ne fait qu'observer ce qui arrive à Taiknalundur

#04 tenir tête

©françoise renaud, jardin 2023

Qui sourd en soi

Tenir tête à la tradition et aux obligations – trahir la confiance de la mère qui vous croit à la messe et le père qui veut vous voir réussir et le frère qui lui file doux – trahir les principes sur lesquels ils se sont appuyés tous longtemps avant soi – fuir loin du giron – fuir prendre sa liberté échapper au carcan s’élever contre – je ne veux pas non je ne veux pas – oui mais tu verras plus tard quand tu n’auras plus rien à quoi te raccrocher – eh bien alors oui je verrai ce qui se passera ça m’est bien égal et je tiens tête grogne m’insurge impossible de faire autrement tous mes sens engorgés rougeoyants – Tenir tête oser avancer dans l’allée sombre et étroite sous les arbres où guettent les dangers – tenir tête avec le corps avec le ventre toute la force du ventre quand on est dressé face à l’ennemi face à la barrière à la falaise à la peur quand on sait que tout demeure possible – non je ne veux pas je ne veux pas me préoccuper de l’après juste respirer me tenir à flot me hisser à n’importe quel endroit de la rive – tenir à table tenir sous le regard des oncles tenir jusqu’à la limite rejoindre les chiens qui jouent dehors s’enfuir – tenir tête lever la tête – jeter les yeux en avant tout en gardant les mots dans la gorge ce sera pour plus tard la délivrance – une longue respiration comme en ce soir de printemps quelque chose qui vous fait frissonner quelque chose qui ressemble au temps intérieur au temps qui n’est qu’à soi et qui sourd en soi – Fuir oser pas peur

#5 le cri

Et c’est ici que la rage invisible

Tenir tête encore ici | retenir le cri le cri dedans enfermé la révolte déjà de la fillette que le père oublie de regarder | sa plainte à elle qui creuse un trou comme dans l’espace et la puissance des astres en rotation | sans doute qu’elle se dresse pour que le cri progresse à travers les matières les tissus de son corps de fille qui veut grandir et qui rêve qu’elle tombe dans le noir entre les étoiles | désespérée elle lève la tête vers lui le père qui crie lui aussi sur tout le monde il ne sait pas faire autrement et elle lève la tête vers lui à se courber à se briser les vertèbres | elle n’a pas peur | sa bouche dessine le cri 

Et c’est ici que la rage invisible commence à tourner dans la bouche

Codicille : très peu de temps cette semaine, juste réunir les dernières sensations vécues en ces temps d'écriture de Boost à la lueur des cataractes, mettre ensemble comme le rêve rassemble dans le sommeil

#6 le visage qu’il va peindre

©françoise renaud, 16 mars 2025

Ainsi marquée

il surgit resurgit sans cesse, inscrit dans les yeux depuis l’enfance, imprimé en dedans à cause du cri, visage qui rugit grimace fronce les peaux ramollies avec l’âge et la fatigue du vivre, crie sans savoir qu’il crie et qu’il fait peur aux enfants comme si dans le passé tout se résumait à la crainte des mots qu’il était sur le point de prononcer et des décisions qu’il prendrait pour lui et pour sa famille, forcément gardant la main sur tout parce qu’il est l’époux le père,

et c’est par le souffle rauque qu’il possède les siens impose sa loi, ses traits durs contractés (on dirait comme des traits de peinture au couteau sur les joues et au bord des yeux) distordus par l’impossibilité d’éprouver autre chose que de la colère et de la frustration et qui radote par petits bouts des exploits inventés, tout ce qui se révèle s’accentue dans le rapprochement soudain de la tête courroucée à l’entour du corps (petit corps de fillette le mien sans doute oui le mien), toutes les expressions connues volées à différents moments des jours et des nuits soudain confondues en une seule et unique impression qui dévaste, sa tête rapace griffant cinglant là où le regard se fixe, sa bouche tendue comme un fil, il tient le défi, il n’abandonne jamais,

et ce geste exécuté par le petit corps pour protéger son visage de la béance sévère, ce recul alors qu’il attend de l’amour

ainsi marquée, j’en garde l’image

#07 conjurations

©françoise renaud, automne 2024

Il n’y aura qu’une peur

1

Il n’y aura qu’une peur, celle de souffrir de la mort, de la venue de la mort.

tout ça ne tiendra à rien
froissement fulgurance frisson
tu observeras les corps d’oiseau affairés dans les haies

tu les connais, fillette, tu les épies souvent

tu dénicheras les bêtes sortant du long repos d’hiver et tu leur porteras l’eau et le gras nécessaire à leur résurrection, tu caresseras leur fourrure, rugiras tout comme elles avec cette force organique qui n’appartient qu’au cri et aux espaces premiers, tu seras liée à l’origine, tu connaîtras la source   

2

Il n’y aura plus qu’une peur, celle du noir de la fin.

t’emplir de la douceur du geste, porter la main vers la peau, vers la terre noire, vers la plantule fragile qui attend de trouver sa nourriture, t’emplir la bouche de violettes, avaler une part de soleil
t’emplir du suc de l’arbre et recracher la terre, te rincer avec l’eau du puits, laver le sang
t’emplir la bouche du nom des amis apparus et disparus, passer à travers ta peur de la perte pour t’attacher profondément

A propos de Françoise Renaud

Parcours entre géologie et littérature, entre Bretagne et Languedoc. Certains mots lui font dresser les oreilles : peau, rébellion, atlantique (parce qu’il faut bien choisir). Romans récits nouvelles poésie publiés depuis 1997. Vit en sud Cévennes. Et voilà. Son site, ses publications, photographies, journal : francoiserenaud.com.

71 commentaires à propos de “#boost #00 à #07 | traversées, hiver 2025”

    • ta visite me fait vraiment plaisir pour t’avoir entendue récemment sur nos zooms rencontres et j’aime beaucoup ces échanges croisés suscités par nos textes, ces mots posés là en partage
      merci pour ta lecture, Carole

    • on aimerait donner à connaître ces endroits-là à ceux qu’on aime et qu’on sait sensibles, du moins dans l’état où on les a connus…
      je te remercie, Clarence, pour ta compagnie sur ces chemins détrempés du sentier des douaniers en hiver…

  1. Je t’ai entendu lire, lundi soir, ton crisse marmonne craquèle et je l’ai trouvé vraiment étonnant. Je l’ai lu et relu pour tenter d’attraper la résonance. Il y a ce « crisse » prononcé et lu les dents serrées, un peu comme les Québécois balancent leur « Christ » pour un juron exaspéré, ce « marmonne » très intérieur comme on rumine et ce « craquèle » que je vois exploser comme une fusée de feu d’artifice. C’est très sonore. C’est très étonnant. C’est très beau.

    • merci à toi JLuc d’exprimer là ton ressenti qui m’attrape à froid ce matin et me touche…
      pourtant prise au dépourvu de lire en direct comme ça, pas préparée du tout, mais c’est important d’entendre les sons des mots et de les avoir dans la bouche
      du coup hier j’ai écrit ce petit fragment haïku :

      oubliée dans le temps
      une phrase parle de la terre
      tout doux je la mâche

  2. #02
    presque le soir sans doute
    extraordinaire Françoise. je ne sais comment te dire. tout me semble réussi, étonnant, la description de tes portes et l’engagement du corps pour les ouvrir, ce qui se découvre à chaque fois comme une apparition. la transition au bout du point de la phrase vers une autre porte. c’est très cinématographique ou très proche du rêve. FB avait prévu ces effets-là. à la consigne que tu suis au plus près, tu donnes des couleurs des matières des tableaux que je n’avais jamais vus de toi.
    au moins un tableau m’a paru relever de ton imagination, je me trompe ? celui de la porte qui ne se distingue pas dans le mur. c’est très beau, plein d’humanité, merci Françoise.

    • Tu sais, c’est drôle comment les images sont venues… je m’attache toujours d’abord à la forme et c’est elle qui déclenche les images chez moi… d’ailleurs j’ai beaucoup aimé ces contraintes-là et j’ai tenté de les respecter au mieux .
      Car pour vivre vraiment l’expérience, ne pas prendre trop de latitude, de liberté (comme beaucoup décident de le faire, et naturellement chacun est libre)… mais je pense réellement qu’il faut accepter le chemin proposé et c’est alors qu’il se passe quelque chose
      Donc les images de porte sont venues et elles touchaient à chaque fois quelque chose du réel et du rêve… dont cette porte invisible surgie de je ne sais où…
      merci énormément Véronique pour ton passage qui valide mon choix de tenir le fil coûte que coûte…

      • je suis heureuse de ta réponse et j’aime que ces images te soient venues du réel et du rêve.

        la consigne, c’est en tout cas un moyen sûr de sortir de ses propres sentiers battus. cette fois cependant, quelque chose m’arrête, que je ne pense pas que j’arriverai à surmonter. dès qu’il est question de remonter vers son passé, vers les souvenirs, tout en moi freine des 4 fers . je m’en étais déjà aperçue lors du cycle enfances. je pourrais/devrais essayer de me laisser aller, pousser une porte, m’embarquer, trouver le moyen de chasser ces peurs qui ne recouvrent aucun événement précis: il n’y a que l’oubli. l’oubli et l’ennui. on verra bien si une porte de l’espace-temps voudra cette fois s’ouvrir… elle sera dérobée ça c’est sûr…

  3. Texte Beckett… très beau.
    Je vois le mouvement du poignet, la poussée de genou pour ouvrir la première porte.
    J’aime beaucoup la seconde porte. Quand la nature reprend ses droits sur le ‘béton’. Et aussi celle qui donne sur une cage d’escalier qui sent la cuisine et l’humidité. Cette autre avec l’odeur de jardin.
    Et la petite morte.

    • On peut raconter tellement de choses de notre parcours à travers ces portes qu’on ouvre…
      Je n’ai fait qu’ouvrir la première et la petite morte, je lui dois tout sans doute. Ensuite tout a découlé…
      merci vraiment Annick de ton passage par ici

      • Plaisir de te lire… en retard de lecture pour Terre, je rattrape un peu plus tard. Belle soirée.

  4. Le déploiement des images dans les phrases longues sans ponctuation leur donne force et étrangeté tout en étant très concert et comme en rêve . Images arrêtées où se mêlent pérennité d’un lieu et instant d’un saisissement. C’est très beau . Merci

    • t’inviter à entrer, t’accueillir dans mes images, « saisir », « saisissement »…
      oui, en écrivant j’avais envie d’intégrer celui qui lirait dans le maillage intime et étroit des scènes révélées à franchir le seuil l’un après l’autre…

  5. Cette succession de portes est forte. Je me suis dit que les « une autre » ou équivalent était presque de trop ? Encore plus de magie à passer de l’une à l’autre sans rien qui nous indique qu’on passe de l’une à l’autre ? Encore tout cas un grand merci pour ce texte Françoise!

    • merci Rebecca de me transmettre ta sensation à la lecture… et tout de suite je regarde ce que ça pourrait donner
      pas si évident pour celui qui ne connaît pas la proposition, je pense qu’il aurait du mal à se situer dans ce dédale mais il est sûrement possible de trouver quelque chose de plus fluide qui pourrait créer l’image du franchissement à chaque porte rencontrée…
      en tout cas merci pour la piste ouverte…

  6. Une porte de service à l’arrière idéale pour s’échapper…. Je crois bien que c’est ma préférée avec celle qui à une odeur de jardin.
    Merci Françoise pour ces deux là qui s’ouvrent sur la liberté.

    • Finalement ce sont les portes petites ou invisibles qui semblent toucher le plus… sans doute parce qu’elles nous échappent au quotidien et parce qu’elles possèdent une belle réserve insoupçonnée d’espérance et de… liberté comme tu l’écris…
      bonheur de te lire, merci Marie

  7. J’aime beaucoup la phrase qui évoque cette porte « tissée de matières végétales »: c’est la porte de tous les possibles, le début d’un récit… Et cette autre porte aussi « confondue dans le mur » ( des portes que l’on ne sait pas voir peut-être…)

    • chaque porte serait le début d’un récit…
      et à chaque nouvelle proposition, nous découvrons autant de pistes et d’horizons qui se dessinent encore et encore comme des marées de nuages qui déferlent à travers le ciel et on pourrait emprunter ou contempler si on avait plusieurs vies…
      plaisir de te retrouver, Solange, et merci de m’avoir lue

    • la terre est mon lot et mon origine, aujourd’hui je l’oppose à l’idée de ville
      mais il faudrait que je continue à travailler cette piste, enrichir ce début de quelque chose
      merci Clarence pour cet écho qui touche…

    • Dalia est venue vers moi pour cet exercice tout comme Virginia s’est imposée pour toi, du coup y’a des chances qu’elle prenne un peu plus de place dans le roman
      merci d’être passée, Solange
      (toujours besoin de cet accompagnement)

  8. On est les peurs, on vit toutes les peurs de Dalia . Texte très poignant où l’émotion monte crescendo et vous prend au plus près du coeur de cette petite fille de 10 ans. Merci Françoise, toujours enchantée de te lire.

    • Faire récit avec peu…
      En fait l’esprit est toujours prêt à s’embarquer pour une histoire. Et qu’est ce qui fait que ça marche ou que ça marche pas ? ah s’il y avait des recettes !
      merci d’avoir accompagné l’enfant Dalia fille de Mermel (elle est dans mon roman)

  9. « eh bien alors oui je verrai ce qui se passera ça m’est bien égal et je tiens tête grogne m’insurge impossible de faire autrement tous mes sens engorgés rougeoyants – »Fuir oser pas peur » superbe trajectoire ! Merci

  10.  » juste respirer me tenir à flot me hisser à n’importe quel endroit de la rive »: oui c’est parfois cela vivre!…
    « au temps qui n’est qu’à soi »: il a fallu le conquérir ce temps-là et il vaut de l’or!
    Merci à toi.

  11. « non je ne veux pas je ne veux pas me préoccuper de l’après » oui – et quand les ans et les ans se sont passés que ceux du même âge sont juste un peu plus jeunes que soi, eux qui se sont coulés facilement dans le moule, et que la génération précédente n’est plus là, assumer son statut et les manques, constater qu’ils ne se souviennent pas de ce qui a provoqué les différences et pratiquer l’amitié – faut pas avoir peur quitte à payer un peu, c’est juste le prix

  12. Très beau ton tenir tête.
    S’affranchir, être soi, oui !
    Se dire que tout est possible, que c’est le présent qui compte, qu’après reste après, on verra.
    Force et liberté dans ton texte, j’aime.
    Et ‘toute la force du ventre quand on est dressé face à l’ennemi’, superbe phrase.

    • #4 merci pour ta lecture et pour ton écho
      je suis à l’arrache depuis trop de jours et je ne viens que maintenant visiter le « tenir tête »
      tu me diras : mieux vaut tard que jamais
      et je m’en vais te lire….

      • J’ai aussi pris du retard en écriture et lecture des textes… on fait au mieux, et ce plaisir à chaque fois de retrouver les camarades. Bises.

    • merci pour ton écho à cette #6, Philippe
      j’avais noté sur un exercice précédent que nos sujets se croisaient et que nos images se chevauchaient,
      ainsi poursuivons-nous la même espèce de piste…
      (d’ailleurs j’essaie toujours de resserrer le travail d’un cycle autour d’un même noyau)

  13. Ce fil se déroule de fillette à père (là aussi), de ses émotions vives qui semblent nourrir un seul et même texte (?) A moins de relire-relier les précédents boost pour le dernier écrit ?
    On ressent l’effroi de l’enfant de façon palpable, on ressent dans notre corps comme dans le sien.

    • oui bien sûr, tentative à chaque proposition et donc pour cette #6 de relier les choses pour obtenir un seul texte qui tienne
      et je suis partie depuis plusieurs épisodes (depuis la peur, je crois) sur ce personnage de fillette
      merci pour ton ressenti, Perle

    • oui désolée pour ce long chemin, mais c’est bien aussi d’avoir tous les textes réunis dans le même élan, davantage de continuité et possibilité de croisements (autant pour ceux qui lisent que pour moi) et j’aime ajouter des photographies en résonance
      alors il faut glisser tout en bas !
      merci à toi d’être venue jusqu’ici où je t’accueille consolante…

  14. Oui j’ai glissé du haut en bas pour le plaisir de te lire et trouver une pépite parmi tant d’autres : « comme si dans le passé tout se résumait à la crainte des mots qu’il était sur le point de prononcer ».
    Je garde dans mon trésor à pépites. Merci Françoise.

    • les mots créent des espaces inédits, révèlent des scènes jamais décrites… aller au plus près, au plus juste
      et sans doute qu’il était question de cela dans cette proposition, dans ce rapprochement du visage en face de soi jusqu’à se confronter… à soi-même…
      merci à toi Marie, d’être venue jusqu’à moi

    • touchée par ton passage, Solange…
      tout comme toi, tenter de trouver le sens et le lien dans un même sujet exploré (autant que possible)… voilà qui donne sans doute plus de puissance…

  15. et soudain remonte le souvenir de l’effroi permanent des enfants sous la domination paternelle et ce revers que l’adulte a décelé, pathétique : « l’impossibilité d’éprouver autre chose que de la colère et de la frustration et qui radote par petits bouts des exploits inventés »

  16. Ce visage, ce père détestable, cette petite fille qu’on voudrait rassurer, consoler… ça s’entrechoque… et ces petits détails (les traits de peinture au couteau, la bouche tendue comme un fil…) qui nous permettent de voir le visage, l’homme… touchée par ce texte, comme par ton approche de l’écriture de texte en texte… continue, merci fort.

  17. je lis ton impressionnant #06
    ton père, ton… petit papa…
    ton recul d’enfant
    la marque de ton recul
    face à… l’infinitisation de sa colère
    peut-être lui offrait le non nécessaire, le point d’arrêt.

    c’est un très beau texte. quelque chose qui s’écrit longtemps après. dans l’amour encore et l’effroi de l’enfant. et la compréhension au long cours de l’adulte. merci merci

  18. « Jeter les yeux en avant », j’adore. Tous ces textes beaux et fort. Ce que tu as fait de toutes ces portes, tout un univers se déplie et c’est magique, ton univers, celui que tu dessines de tes mots choisis. Puis j’arrive aux derniers textes, le tenir tête,  » elle lève la tête vers lui à se courber à se briser les vertèbres », le cri, la rage, et le dernier, marquée. Tant d’images en si peu, la force et la puissance de l’écriture comme en réponse. Tout ce que j’aime. Merci, Françoise.

    • Quelle patience d’avoir re-parcouru tout ce chemin en 8 épisodes, commencé au « bout du monde » pour en arrivé à ce zoom effrayant
      tenter de rester dans l’exigence, tu le sais bien
      les thèmes si favoris comme l’enfance, le père, la peur, le vertige, le voyage…
      Et il est bon de te savoir dans les parages, chère Anne

    • tenter de répondre par le futur et l’infinitif sur des choses qui nous immobilisent et en même temps nous tiennent en vie
      (merci à toi fidèle dans la lecture et l’accompagnement depuis longtemps)

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