#boost #10 | vents intérieurs

C’étaient de très grands vents sur ma face solitaire 
De très grands vents pour moi emprisonnés qui n’avaient pour origine que le fond de mon être et pour destinée le ciel et sa perte
Derrière les nuages de mon esprit, derrière l’horizon de ma silhouette 
De très grands vents qui m’enserraient.

Aller ! où vont les jeux de l’esprit quand la folie souffle à travers les failles béantes de ma mémoire inconsistante…
Aller ! où vont les oiseaux pris dans le tourbillon, leur chant, leur légèreté, leur apaisement jusqu’à leur innocence…
Par là, par là, oui dans les recoins de ma vie passée et dans ceux aussi de ma vie rêvée, si liées l’une à l’autre qu’aucune couleur ne semble les distinguer… Cette vie qu’imprime ma mémoire sans distinction de réalités.
Je sais que dans les gouffres de mon être, la noirceur n’a qu’une présence quel qu’en soit son avènement. Et l’odeur fétide relève du même acide pourvu qu’il coule dans mes veines.
Et de mon enfance, dans les souvenirs rangés sur les étagères dans ma cave.
Et de mes espoirs, dans les soupirs exhalés sur les braises dans mon enclave.

Plus loin, plus loin, où sont les rêves échoués sur les premiers sommets qu’on distingue encore jeune, quand il suffit de lever la tête pour tracer le parcours d’une vie simple et sans encombre.
Plus loin, plus loin, où sont les utopies insoupçonnées sur les sommets pointant du brouillard et de la vie et de l’amour et de tout ce qui nous déchire et nous transforme et nous fait grandir.

Et au-delà, ce paysage depuis toujours gravé qui semblait attendre d’être découvert, comme un vestige endormi depuis des siècles qui serait l’apothéose d’une vie d’explorateur.
Et au-delà, un tableau abstrait de zébrures aux couleurs incertaines, de taches informes et mouvantes, une succession de levers et de couchers de soleil dans la même image psychédélique.
Et au-delà, et au-delà sont les premières grimaces d’un enfant nouveau-né surgi au cœur d’une tornade. Un enfant enserré dans les bras d’un vent tournoyant
Et au-delà, et au-delà, que n’est-il rien d’autre que moi-même, que n’est-il rien d’autre qu’une trace de moi laissée comme une empreinte dans la terre glaise ? 
L’homme flou accouche d’une image, il n’est pas certain que ce soit lui mais qui d’autre ? Un reflet maquillé des peurs enfouies, une fragrance éphémère et putride, la mort dort dans ses entrailles, un rayon de lune — pourquoi de lune ? n’y a-t-il pas d’étoiles dans sa nuit intérieure ?

Se hâter, déjà l’air m’efface
Se hâter, de l’intérieur je suis en train de disparaître
Se hâter, se hâter, le vide grandit il prend toute la place

Et de renaître et de revivre et de ressentir le vent intérieur m’enserrer
Et la vie me dévorer.


Photo de Karthik Thoguluva sur Unsplash

A propos de JLuc Chovelon

Prof pendant une dizaine d'années, journaliste durant près de vingt ans, auteur d'une paire de livres, essais plutôt que romans. En pleine évolution vers un autre type d'écritures. Cheminement personnel, divagations exploratives, explorations divaguantes à l'ombre du triptyque humour-poésie-fantastique. Dans le désordre.

2 commentaires à propos de “#boost #10 | vents intérieurs”

  1. j’ai retenu d’une première lecture : « …et de tout ce qui nous déchire et nous transforme et nous fait grandir. »
    chez toi aussi les images de l’enfance, et puis les souvenirs et les utopies, les traces dans la terre glaise, qui se mêlent en ton chant…

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