Boost #10 | La trouée

Aller ! Là où plonge la trouée sombre, ultime palier de l’escalier, fatras de poutres, là où je me penche. Là où rustines, failles, saignées et dans les interstices d’audacieuses germinations, paquerettes, pourpiers, chélidoines, là où je me penche. Aller ! Là où plus rien plus loin, plus rien plus haut, là d’où il faut bien descendre je me jette et je cours, le corps dans l’élan, pente folle, bondit pente folle, frappe pied et s’envole.

Plus loin, au bord du fleuve l’argile se craquelle et trace une frange morte qui retient l’odeur rouillée de la coque du navire échoué sur la berge, et les hommes qui toujours remontent le fleuve enroulent leurs pieds nus d’étoffe et marchent sur la cicatrice, plus loin les confluences, les embouchures et l’épaule douce de l’insomnie.

Au-delà, les grilles du portail hors gond sont tombées, elles grinçaient aux heures de mugissement de la sirène, tout le quartier, au-delà, six fois par jour la sirène, les grilles ouvertes et refermées, pour ceux des équipes elle ne sonnait pas, la sirène, trop tôt, trop tard, tout le quartier, au-delà, derrière les grilles du portail, muscles et os font blocs, la nuque ployée, la peur de s’écrouler en avant de la fatigue, au-delà, la fatigue.

Sans se hâter réduire le flux, la circulation des sucs et du sang, se tenir toujours debout, et là un pas de côté, cailloux jamais cailloux, les pensées ricochent sur l’eau calme.

A propos de Aline Chagnon

Ce qui me passionne dans l'écriture, c'est l'expérience, le chemin.

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