Aller où c’est toujours la même histoire avec son petit h ou sa grande hache, toujours la même chanson, les mêmes cycles qui s’enroulent les uns sur les autres les mêmes dominos écroulés les uns sur les autres la même aile du même fatal papillon et c’est toujours les mêmes cris les mêmes crimes les mêmes pleurs les mêmes fureurs toujours les mêmes joues rose tendres salement giflées les mêmes femmes agenouillées et les mêmes hommes crucifiés
Aller car on y va là où siège l’étroit le péremptoire assassin le décisif mortel le je t’en fiche mon billet de loto tu vas pas me croire mais c’est comme je te dis le pronostiqué le projeté machinique bien machiné
Aller dans les villes assiégées par les loups
Aller où l’on comptera ce qui reste de nos os et nos abattis nos foies nos cœurs nos organes et quelques cheveux blancs à quoi bon lutter c’est écrit qu’est-ce que tu crois
Aller si ça te chante et te console sous la protection des arbres regarder le vent faire des vagues la surface des champs ondoyer l’herbe qui verdoie et les roses éclore sous un soleil de mai suivre des yeux le vol de la dernière hirondelle la course de la dernière panthère et les ronds d’un ricochet écouter le chant du dernier coq
Aller vivre néanmoins comme au dernier jour et bucher comme pour l’éternel semer planter arroser cultiver pour qui pour quoi pour rien
Aller quand tout est cuit
Aller et sillonner toutes tes rues Paris Graindorge Bellevue Vivienne Monplaisir Massingy Amelot Resédas ou Main d’or
Plus loin où sont l’imprévisible le bâton dans la roue de ton tricycle le grain de sable dans ton pâté les pieds dans ton plat et mon grain de sel dans le potage
Plus loin où sont l’éclaircie l’éphèmère et un vers de Baudelaire
Plus loin où sont bercés les enfants de leurs mères et chantées les cantates
Plus loin où ta main aux grosses veines mauves redessinait les fleurs du papier peint
Plus loin où croupissent oubliés la lenteur le silence et l’absolue présence
Et au-delà savoir attendre laisser couler les fleuves et passer les caravanes
Au-delà éclater de rire et tourner les talons
Au-delà ne plus rien expliquer ni s’expliquer
Au-delà loin plus loin encore tout là-bas danse un bateau frêle hâte toi de le rejoindre!
« Plus loin où sont l’éclaircie l’éphèmère et un vers de Baudelaire »: ce verset est très beau! Merci
grand merci Solange pour le verset
je suis partie sur ta vague, dans l’élan.. . j’ai beaucoup aimé, tu m’as surprise, pour rien au monde je n’aurais pas voulu te rater…
c’est magnifiquement désespérant, pourtant j’aurais pu continuer ta ronde tellement elle est juste en rythme et en musique
merci Françoise tu me flattes… Ni espoir ni désespoir c’est la seule voie !
Je commence à reconnaitre ton style, son élan, ses révoltes, tu prends le lecteur, le saisis dans un flot d’images où ça parle le quotidien « le décisif mortel le je t’en fiche mon billet de loto tu vas pas me croire »… c est vif et incisif. Après , je dirai , on n ‘a plus qu’ a rejoindre le bateau… Merci
Merci Carole de me reconnaitre…oui incisive je suis, bienvenue sur mon bateau!.
Merci Catherine pour ton texte qui ressemble à une chanson enfin qu’on aimerait mettre en musique.
Bonsoir Catherine,
Cette énergie, cette vie, dans ton texte, ta voix, ton regard. Encore attrapée, emportée ! Merci.
Ces phrases / passages : ‘les mêmes femmes agenouillées’, ‘les villes assiégées par les loups’, le silence et la lenteur qui croupissent.
Et l’utilisation de mots répétés : ‘mêmes’, ‘dernier’ qui donnent du peps, du rythme.
Et l’utilisation de proverbes, comme tu en joues, je souris.
Très beau texte.
Je t’embrasse.
Hélène, Annick, je réagis un peu tard mais grand merci!