#Boost #10 | Juste le bois et le bleu

Aller où les décrets ne décrètent que du vent et où le vent épris de souffles fous se moque des décrets, où le vent, les nuages, la pluie et les éclairs sont des éclats de rires à la face des édits. 
Aller où les souvenirs ne seront plus un poids, fermer les vieux cartons puis les donner aux chiens, et garder dedans soi, puisque c’est la seule place qui soit vraiment dignes d’eux, les souvenirs les plus chers qui ne nous quitteront pas.
Aller vers des endroits où toute la mémoire n’est jamais dérangée, encombrée de bibelots et de futilité, où elle n’oubliera pas parce qu’elle ne gardera rien que ce qui lui est cher, que ce qui fait membrure, varangue ou pied de mat, où la mémoire chaque jour est brossée à l’eau de mer, décapée du frivole et du superficiel.
Aller au fond du bleu sur un bateau de bois, éviter le plus possible les terres et leurs clôtures, leurs villes et leur béton qui en ont fait des bulles détachées de la terre et de l’eau et du vent, séparées de la vie et du vert et du bleu.
Aller là où les bêtes resteront libres d’aller là où elles veulent aller, aller rejoindre l’humain ou s’éloigner de lui, où il y aura des bêtes que je n’ai jamais vues, des arbres et des plantes qui ne poussent pas ici, n’ont jamais mis un pied dans une arche quelconque, pas même sur le papier.
Aller là où le papier sera doux sous les doigts, n’agressera pas les yeux, fera battre le cœur et puis verser des larmes, sans acide, sans amer, avec juste ça le sel pour faire de l’eau de mer qui nous porte si loin.
Aller là, loin de tout ce qui retient, arracher nos racines pour s’en faire des ailes

Codicille :

Un peu lyrique peut-être, mais sûrement influencée par le texte d’appui lu et relu et à relire encore pour le goût de chaque mot qui change le goût du plat et jusqu’au goût du pain avec lequel on sauce pour surtout ne pas en perdre une seule miette.
Pour le reste, c’est toujours Mow de LVME qui écrit le texte, avec ses préoccupations à elle, ses peurs et ses obsessions et ses conjurations. Texte qui pourrait être le dernier, une fois revu, repris et réfléchis vraiment, du texte qui est né au cycle précédent et a été nourri de pas mal de Boost. Il viendrait juste après le texte DUP, en conclusion.
Peut-être

A propos de Juliette Derimay

Juliette Derimay, lit avidement et écrit timidement, tout au bout d’un petit chemin dans la montagne en Savoie. Travaille dans un labo photo de tirages d’art. Construit doucement des liens entre les images des autres et ses propres textes. Entre autres. À retrouver sur son site les enlivreurs.

11 commentaires à propos de “#Boost #10 | Juste le bois et le bleu”

  1. J’aime beaucoup ce lyrisme là tout en poésie, en rêve éveillé –mais pas que– qui fait tellement de bien, et quelle magnifique dernière phrase.
    Merci Juliette pour ce doux moment de lecture.

  2. pour « aller au fond du bleu » je t’accompagne et nous laisserons les bêtes libres d’aller
    (tiens ! il me semble avoir déjà écrit ça quelque part ! sûrement nos concordances, nos synchronicités…)
    (salut Juliette)

  3. « que ce qui fait membrure, varangue ou pied de mat, où la mémoire chaque jour est brossée à l’eau de mer, décapée du frivole et du superficiel.
    Aller au fond du bleu sur un bateau de bois, éviter le plus possible les terres et leurs clôtures, leurs villes et leur béton qui en ont fait des bulles détachées de la terre et de l’eau et du vent, séparées de la vie et du vert et du bleu. »
    ça te réussit ces saines lectures! je ne sais pas ce que sont LVME (pas H?) et DUP mais j’espère bien lire ça un jour…

    • Oui, les saines lectures, y’a que ça de vrai.
      Pour les sigles, LVME : La Vie Mode d’Emploi, bouquin de Perec et nom du cycle précédent chez Tiers Livre (à retrouver dans les catégories) et DUP, Déclaration d’Utilité Publique, elle donne la possibilité à l’Etat ou aux collectivités de réquisitionner des biens privés, dans mon cas (enfin, celui de l’histoire dans le cycle LVME) l’île est réquisitionnée parce qu’elle possède des vestiges historiques qui vont être aménagés et ouverts au public

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