Aller ! Aller ! le long de la bande immobile du fleuve – sous la surface de l’eau les remous se cachent pour mieux happer le temps.
Aller ! sur le chemin de halage où les cordes de chanvre se tendent à en claquer, scient le dos des esclaves, écorchent les mains, depuis le temps le fleuve a été emmuré, aller le long d’un fleuve comme puni de bouger – il divaguera en grand retour de lame – frappant depuis le fond les fourneaux, le béton…
Plus loin le paysage est trompeur autrement, les étages de roche masquent courbes et niveaux sous la douceur des blés, le velours des sous-bois, les traînées dans le ciel comme un temps qui s’étire…
Plus loin se dissimulent les sources sous la mousse et les fougères, dont on chuchote à chaque rond-point les secrets…
Et au-delà, et au-delà, un autre fleuve se déforme, ses bras morts relâchent leur emprise sur les collines où s’entassent les ossements, ses spires ont entamé leur mouvement bien avant que naquît la chair qui jadis enchâssa ces squelettes – sa geste lente se déroule de plateaux calcaires en pâturages gras.
Se hâter ! approcher en tremblant sa bouche de l’onde, recracher les morceaux de plastique et les taux de mercure, prendre l’eau à pleines mains et ne pas fuir les panaches violets, se hâter contre les vents, déchirés, les vents de l’emportement et de la fin du temps – s’il existait une prise à ce ventilateur géant – qu’on pourrait arracher…
4 commentaires à propos de “#boost #10 | Geste du temps”
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Beau titre qui rend bien cette circulation fluide à travers les images fortes qui disent à la fois les paysages et le temps.
.. les vents de l’emportement et de la fin du temps… très beau texte poétique et .. réaliste… Merci !
Tout très beau, Laure, avec une émotion particulière à » […] sur le chemin de halage où les cordes de chanvre se tendent à en claquer, scient le dos des esclaves, écorchent les mains, depuis le temps le fleuve a été emmuré, aller le long d’un fleuve comme puni de bouger – il divaguera en grand retour de lame – frappant depuis le fond les fourneaux, le béton… »
Magnifique, chère Laure
« approcher en tremblant sa bouche de l’onde »…
oui, d’accord avec Anne, tout est très beau…