#Boost # 10 | force 10

Aller ! Encore une fois, accourir. Là où se trouve l’espace-même, celui qui ne s’atteint qu’en franchissant l’innommable, ou l’indicible, selon l’endroit où tu te trouves. Et tu n’en reviendras pas. Pour ne pas perdre pied, marcher vers la rive où se tient celle qui attend son heure ou la tienne, c’est la même, celle de la parole donnée, engagée sur les chemins étroits de la langue. Celle qui a échappé de justesse au filet de la prison tout au fond

Aller ! Pour dire avant l’éloignement que celle qui est debout, statue vivante dans la coque sculptée des grands voyages, n’a pas peur des mots et qu’il faut juste avant le départ, prononcer ceux qui sont des clés. Si à ce moment-là, on ne le fait pas, les faiseurs d’esclaves reviendront à la charge, tentant de détruire le grand large comme ils veulent déjà le faire. Mais leur échappera toujours la libre palpitation de la moindre échappée, celle du souffle croissant qui incarne le refus, celle de l’aile qui se déploie déjà dans le nouveau nid fait de lambeaux, où mûrit l’envol de la déesse corbeau

Plus loin : là où seul existe le point de passage réduit à sa plus simple expression, sans effet d’annonce, sans influenceur, sans rien d’autre qu’un grain de sable dans l’engrenage des folies vénales

Plus loin comme plus jamais ça, le parallèle soulignant l’indication de l’autre monde auquel travaillent les âmes réfugiées, langues clandestines des lendemains dans lesquels se jette chaque histoire pour créer les résurgences

Au-delà des extinctions, au-delà du vide sanitaire et des idées toutes faites, au-delà des périmètres d’infortune et des fosses communes, plonger vers le haut comme remonter en se laissant guider par le vent du désir sans nom, par la brise qui blesse ou par la tempête elle-même

Au-delà de la disparition, maintenir à flots les visages, s’agenouiller le long des corridors de la mémoire et se relever, accourir. Aller encore une fois là où nul ne croyait plus devoir aller

Se hâter, se hâter au crépuscule, en tenant les lanternes qui éloignent la nuit sur les chemins incertains. Si peu s’en souviennent alors qu’on pourrait les emprunter, les yeux fermés. On pourrait même les retracer jusqu’à retrouver la rive d’où la créature née de la langue a été précipitée. Ils croyaient la réduire au silence abyssal. Elle a puisé ses dernières forces dans l’appel du large, dans les éléments déchaînés. A troué le chalut du vieux monde. Pour ne pas finir dans la peau d’une prêtresse opaque, a refait surface

Se hâter en pleine tempête : rejoindre les veilleuses.

A propos de Christine Eschenbrenner

Génération 51.Une histoire de domaine perdu, de forteresse encerclée, de terrain sillonné ici comme ailleurs. Beaucoup d'enfants et d'adolescents, des cahiers, des livres, quelques responsabilités. Une guitare, une harpe celtique, le chant. Un grand amour, la vie, la mort et la mer aussi.

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