# Boost 10 | Devenir

Aller! où va tout ce qui a de la chair, du sang et du souffle, à voix basse, enténébré d’oripeaux et de parfums

Aller! où va toute créature vers le seuil d’un orient renouvelé, un lieu de table rase, un espace intérieur élevé où reposer sa nuque

Et faire jaillir dans cet écart l’ambre de ce qui a encore à être, à devenir, à pousser comme cri

Et repousser toute pensée de certitude loin dans le caniveau

Plus bas, plus bas, c’est de la terre que cela monte, des cicatrices labourées et des sillons creusés où affleure un dedans rougi

Et s’arracher de là, de cette glaise, de ces terres noircies de cendres, des herbes sèches qui griffent la peau et des pierreries illusoires

Plus loin, plus loin, vers le seuil d’un autre seuil où se tiennent des portes closes enserrant la promesse d’un devenir

Plus loin, plus loin, là où les écorchés vifs espèrent encore un havre de paix après des cheminements balayés de peurs d’inquiétudes et d’absences

Et que d’un battement de paupière la vision de l’œil se recrée, un monde se recrée, donnant à l’obscurité un peu de lumière

Et dans cette liturgie d’images qui se froissent et se défroissent tenter de lire dans les augures la métamorphose espérée

Et même si l’incertain reste le guide d’une pensée trébuchante, le halo noir d’un réel qui enserre, une auréole de cendre durcie, aller!

Et au-delà une cavalcade de songes où prend forme le vertige, une mélodie où se déploie un thème infime à l’écart

Et au-delà des rhizomes s’ébauchent, des sentes se dessinent, des chaînes se libèrent, ciseaux et burins s’acharnent pour créer ce qui doit l’être et dont on ne sait rien encore

Et au-delà, et au-delà, des images à l’affût un peu froissées, des chapelets de pensées abandonnées sacrifiées sur l’autel du temps qui a passé

Et au-delà, au-delà, ce qui cherche à éclore, une langue d’aurore sur la pierre, une langue apposée sur la peau, une partition naissante à déchiffrer

Se hâter, se hâter! oh les leurres de l’image où nouer les leurres de la langue, un invisible à rendre visible

Et propulser le regard loin des opacités dans une crique une anse une matrice

Se hâter, se hâter! quelque chose jaillit, poussée par le milieu, comme une source haute, cela pousse et déborde

Se hâter face devant lignes de fuite en devenir

A propos de Solange Vissac

Entre campagne et ville, entre deux livres où se perdre, entre des textes qui s'écrivent et des photos qui se capturent... toujours un peu cachée... me dévoilant un peu sur mon blog jardin d'ombres.

2 commentaires à propos de “# Boost 10 | Devenir”

  1. beaucoup d’obscurité, d’opacité, de terres noircies et de cendres dans ce texte
    je l’ai lu comme une libération du carcan, terre compacte et dure…
    et puis comme une quête de lumière afin que le chant monte

  2. « une langue d’aurore sur la pierre, une langue apposée sur la peau, une partition naissante à déchiffrer ». Particulièrement touchée par la poésie de ces mots, porteurs d’espoir. « Une langue d’aurore sur la pierre » Magnifique. Merci Solange.

Laisser un commentaire