une place rectangulaire bordée d’arbres centenaires, platanes probablement, près de huit heures du soir quelques centaines de personnes attendent là vêtues comme au mariage, une alliance, une union, on dirait un trente-et-un et c’en est presque un, pratiquement puisqu’on fête le saint qui protège l’endroit, en musique, fanfare cuivres et pipeaux portant fanions franges dorées armes de la ville en mâle uniforme costumes trois pièces bleu nuit chemises blanches cravates club, avec un chef muni d’une canne entortillée d’une espèce de cordage blanc brillant terminé d’un gland d’or avec laquelle dans trente secondes il marquera la mesure le rythme le tempo et les autres là, des hommes en costumes eux-aussi, cintrés et serrés sur ventres rentrés dans gilets, des femmes, épouses probablement, gaines sur robes noires et de couleur, châles maquillages coiffures parfums et progénitures contraintes tout autant endimanchées, costumes pour les garçons robes ou jupes plissées pour les filles, tons foncés sur chemises opalines scintillantes, dans les vingt ans, les parents se tiennent les coudes, les pères portent un cierge diamètre dix centimètres la lumière de la flamme en vacille à peine, on est là attendant et entourant l’effigie du saint posé debout en pénitence sur un rectangle de bois brut flammes aux quatre coins quatre jeunes hommes bruns parfaitement coiffés réguliers la portent aux épaules et puis tout à coup cela s’ébranle aux coups lointains d’une cloche
une autre tentative respectant les deux cent trente mots - que j'avais pris pour deux cent cinquante dans le "nous" précédent - j'avais dans l'idée de tenter de rétablir les moments premiers qu'on est sûrs d'avoir vécus sans pour autant s'en souvenir, comme la naissance du ventre de la mère, il a bien fallu crier, la première larme et d'autres encore pour le huit de ce bouste mais je suis parti - sur cette place même un bar (il en est des dizaines, et de places, et de bars) accueillent passants, touristes, habitués tandis que courent quelques retardataires en blazers poil de chameau et la minute passe avant qu'on ne vienne s'enquérir des boissons