D’abord le visage du père en colère qui devient ciel, surplombe la campagne, semble le chercher, planant haut, oiseau de proie, visage-nuage-noir de la colère et de la violence à venir promue par la colère. Ensuite à hauteur de la terre, sur le chemin de la fuite, le visage de l’enfant, apeuré, yeux inquiets cherchant son chemin et à chaque instant une cache où s’abriter si le visage du père venait à se pointer. L’enfant sent son visage apeuré, ce qui grossit la peur, ravage un peu plus son visage. Il se voit depuis dedans lui, yeux affolés pleins de larmes, bouche ouverte comme en apnée, joues rougies par le froid et les larmes, nez coulant d’une morve triste que les reniflements font aller et venir au rythme des sanglots. Puis un autre visage venu d’on ne sait où qui porte la mort, que l’enfant repousse en fermant les yeux, marchant un temps yeux fermés puis s’arrêtant, se demandant d’où vient ce visage, un visage de femme, émacié, triste, pâli. Le visage du père se superpose à celui de l’enfant qui se voit vieux et triste. Il se reconnait dans le visage du père, la manière de pincer les lèvres, de porter le regard perdu et mouillé de chagrin, attristé par le visage de la femme qu’il ne connait pas mais qui le visite, dont les cernes font le regard craintif, bien plus craintif que le sien, terrifié d’une terreur venue de l’intérieur de soi. Le visage de la femme inconnue malade le dévaste, il s’arrête, regarde autour de lui, se sent traversé par ce visage dont l’image le brûle plus sûrement que la peur le fait fuir, une image qui brûle enfin comme brûle un livre. Et dans les flammes de l’image du visage il saisit un sourire, un regard qui lui dit ne t’inquiète pas je vais bien.
5 commentaires à propos de “#boost #06 | un visage brûle”
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visages croisés, surtout celui planant haut qui prend le dessus et guide le texte
et puis cette remarque « il se reconnaît dans le visage du père », là ça fait tilt et on voit cette « manière de pincer les lèvres, de porter le regard perdu et mouillé de chagrin »
C’est dur quand même, si dur… si beau aux limites de la terreur
Un petit côté horrifique à la Dorian Gray dans cette déformation qui fait ressembler au père, c’est vrai.
oui, un côté horrifique.
et le sentiment que c est très vrai.
j’aime aussi le visage que l’enfant voit de lui-même. se voir avoir peur, se voir pleurer. Le spectacle presque où l’on est de soi malgré soi. j’ai toujours trouvé cela étrange. il me semble oui que j’ai vécu cela enfant.
« Il se voit depuis dedans lui, yeux affolés pleins de larmes, bouche ouverte comme en apnée, joues rougies par le froid et les larmes, nez coulant d’une morve triste que les reniflements font aller et venir au rythme des sanglots »
Cette superposition de visages et les paysages qu’elle fait surgir m’a profondément émue. Merci.
la force du visage du père qui surplombe tout