#Boost #06 | Rouge

Rouges, pas roses, souvent rosses, mais ça c’est autre chose, c’est une faute de frappe, ils étaient plus que rosses et ils doivent encore l’être, tu ne veux pas savoir. Rester sur leurs visages, leurs visages, rougis par le vent, par la pluie, par le froid, par l’alcool, des visages comme des mains, épaisses et denses, rouges au bout des bras blancs quand, rarement, ils relèvent les manches pour se laver les mains dans le baquet posé en dessous du tuyau. Rouges, pas roses, rouges, couperosés, rougeauds, cramoisis, écarlates, injectés. Ils se confondent tous dans une unique couleur, deux trous pour les yeux, d’un bleu clair d’eau glacée, toujours rasés de près, les cheveux courts aussi, comme le dos d’un mouton au sortir de la tonte. Et tout le reste rouge, le nez, les joues, les oreilles, et le menton, rouges, juste rouges, pas le rougeaud bonhomme du joyeux bon vivant. Rouge. Rouge à faire peur.

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Sur le bout de papier, la couleur s’abime, elle devient presque rouge, rose foncé, bien trop rouge, disons magenta pour la teinte rosée, pour ne pas redire rouge. C’est même pas du papier, c’est du polaroid, mauvais réglage de la balance des blancs, mauvais papier, encres de mauvaise qualité, mais c’est la première photo que tu as d’elle avant de savoir, juste après sa naissance, avant le peloton des tests qui allaient exécuter toute idée d’avenir, à peine quelques minutes après avoir coupé le cordon. Un petit bout de visage avec les yeux fermés, juste un nez et une bouche et les deux yeux fermés, trop fermés, contractés, fermés pour ne pas voir, pas fermés de sommeil, entre le bonnet blanc et puis la serviette blanche, les couleurs du visage sont devenues trop rouges, celles de ton souvenir tu les gardes précieusement et aussi cette photo pour bien te souvenir que sa peau n’était pas du tout de cette couleur-là. Pas rouge.

Codicille :
Toujours dans la continuité de LVME et toujours de Mow dont il est question, j'ai l'impression qu'elle est en train de devenir un vrai personnage.

A propos de Juliette Derimay

Juliette Derimay, lit avidement et écrit timidement, tout au bout d’un petit chemin dans la montagne en Savoie. Travaille dans un labo photo de tirages d’art. Construit doucement des liens entre les images des autres et ses propres textes. Entre autres. À retrouver sur son site les enlivreurs.

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