Rouges, pas roses, souvent rosses, mais ça c’est autre chose, c’est une faute de frappe, ils étaient plus que rosses et ils doivent encore l’être, tu ne veux pas savoir. Rester sur leurs visages, leurs visages, rougis par le vent, par la pluie, par le froid, par l’alcool, des visages comme des mains, épaisses et denses, rouges au bout des bras blancs quand, rarement, ils relèvent les manches pour se laver les mains dans le baquet posé en dessous du tuyau. Rouges, pas roses, rouges, couperosés, rougeauds, cramoisis, écarlates, injectés. Ils se confondent tous dans une unique couleur, deux trous pour les yeux, d’un bleu clair d’eau glacée, toujours rasés de près, les cheveux courts aussi, comme le dos d’un mouton au sortir de la tonte. Et tout le reste rouge, le nez, les joues, les oreilles, et le menton, rouges, juste rouges, pas le rougeaud bonhomme du joyeux bon vivant. Rouge. Rouge à faire peur.
*
Sur le bout de papier, la couleur s’abime, elle devient presque rouge, rose foncé, bien trop rouge, disons magenta pour la teinte rosée, pour ne pas redire rouge. C’est même pas du papier, c’est du polaroid, mauvais réglage de la balance des blancs, mauvais papier, encres de mauvaise qualité, mais c’est la première photo que tu as d’elle avant de savoir, juste après sa naissance, avant le peloton des tests qui allaient exécuter toute idée d’avenir, à peine quelques minutes après avoir coupé le cordon. Un petit bout de visage avec les yeux fermés, juste un nez et une bouche et les deux yeux fermés, trop fermés, contractés, fermés pour ne pas voir, pas fermés de sommeil, entre le bonnet blanc et puis la serviette blanche, les couleurs du visage sont devenues trop rouges, celles de ton souvenir tu les gardes précieusement et aussi cette photo pour bien te souvenir que sa peau n’était pas du tout de cette couleur-là. Pas rouge.
Codicille :
Toujours dans la continuité de LVME et toujours de Mow dont il est question, j'ai l'impression qu'elle est en train de devenir un vrai personnage.
En effet le personnage se construit . C est cette construction de son environnement par cette perception de la couleur obsédante du rouge ds visages . Merci .
merci pour la lecture, ce sont aussi vos remarques qui m’aident à construire la personnage
un grand écart entre l’homme gaillard et le nouveau-né tout en tournant autour du cramoisi, du rouge organique, on ne sait pas trop finalement car le narrateur semble douter que ce fut de cette couleur-là ?
Oui, merci pour la remarque, pas toujours simple de dire le bon mot pour la bonne couleur, d’autant plus en tenant compte de tout ce qui est associé aux couleurs dans le langage, voir rouge, rose layette, le visage cramoisi…
tu sais beaucoup de choses d’eux aussi. tu dis beaucoup. rouges à faire peur de aussi du dur labeur, de la dureté de l’eau froide et de l’air pagne de la campure. du cheveux ras et du joyeux bon vivant. très beaux portraits, aussi d’une société (Rubens pas loin et je songe à un autre dont j’oublie le nom).
Elle, tout juste née. et pas rouge. très belle image de ce nouveau né. Le cœur étreint à songer à la « batterie de tests ».
Merci du passage et du regard porté sur mon chantier, pas simple à construire, une personnage
J’aime beaucoup ces deux textes autour de la couleur rouge. tu les as attrapé ces visages burinées par les éléments et la première photo du nourisson tout concentré comme un bourgeon.
Merci pour ta lecture, Hélène, et merci pour le bourgeon, avec justement une série en cours sur le printemps et ses bourgeons sur le site des Enlivreurs : https://www.les-enlivreurs.fr/category/blog/de-saison/