_ rappel : le sommaire général du cycle et ses vidéos;
_ les récaps et PDF des précédentes propositions;
_ indispensable : Henri Michaux, «Les ravagés» extrait à télécharger, extrait de Chemins cherchés, chemins perdus, transgressions;
Dans la suite des précédentes propositions, #03 l’autre en tant que personnage défini par ses peurs, #04, «tenir tête«, #05 le cri, l’amont du cri, le cri en rêve, l’univers de la langue dans son intensité et son urgence, mais aujourd’hui passer à la profération même: le visage qui l’émet, la suite des visages dans la foule, dans les rêves, dans la nuit qui nous poussent à ce cri, ou simplement un visage qui grandit jusqu’à l’insoutenable proximité.
On a bien compris qu’il ne s’agit pas d’un travail sur le visage en général, comme on peut le trouver dans différents cycles de Tiers Livre, notamment à partir d’Edmond Jabès, mais des visages depuis leurs distorsions, l’obsession qu’en nous ils créent, la façon dont ils nous hantent.
On sait comme la peinture est familière de ces distorsions, de ces amplifications. En littérature, si le mot visage peut-être omniprésent dans une oeuvre, c’est bien celle d’Henri Michaux. Et notamment dans une reprise singulière: en 1956, Michaux publie sous le titre Leurs secrets en spectacle, dessins d’aliénés, une suite de textes écrits à même le surgissement en direct, et en sa présence, du travail pictural de patients psychiatriques; en 1976, dans un de ses tout derniers livres, Chemins cherchés, chemins perdus, transgressions, vient un chapitre comme un bloc noir, aérolithe de langue, intitulé «Les tavagés», où on reconnaît, mais aiguisés, condensés, décantés, une partie des textes écrits vingt ans plus tôt.
C’est de ce texte dont je vous propose de partir, cf doc joint : «Visages enfoncés, engoncés les uns dans les autres. L’aggloméré de visages, surmonté d’un oiseau médiocre», ou bien «Amas de visages, visages dans le vague comme fœtus dans l’amnios. Mangé par un visage est un autre visage. Irrésistiblement l’un s’agrège à l’autre, qui le subit, y tombe et périt doucement», ou depuis non plus visage, mais depuis têtes: «Têtes qui ont passé par quelque chose d’aussi grave que la mort, qui n’ont pu se sauver sinon pauvrement. Têtes du passé, qui savent la nuit de la vie, le Secret, l’innommable horrible sur quoi l’être s’est appuyé.» Enfin ce mouvement de se rapprocher jusqu’à l’obsession du rêve ou du cauchemar: «Occupant toute la place, bouchant l’horizon, seule dans l’entièreté du tableau, une tête énorme vient à la rencontre de qui la regarde et donc de celui qui la peignit et la vit sur lui s’avancer menaçante, maléfique, marquée des signes outranciers du dominant féroce. Sans nez, sans bouche, sans front, ou le tout emmêlé confusément par une force surhumaine du genre des tourbillons, elle fonce, à une vitesse retenue mais irrésistible, ses immenses forces d’agression, en réserve, toutes prêtes.» Et le dernier fragment : au moment de peindre, la libre disposition des couleurs quand il s’agit de peindre ce qui n’a pas de couleur.
S’ii vous plaît, ne pensez pas au tableau, à l’effet, à la paix (?) du texte accompli, mais bien à ce geste libre, imparfait, tronqué, qui distord, ou cherche à épouser la distorsion, la limite de la langue, l’endroit où elle coupe sans finir, le pluriel des visages, leurs traits de coupe, comment c’est intérieurement qu’ils surgissent, en non peints depuis modèles. Et, cela, on ne l’a jamais tenté ici: nous ravager nous, pour rejoindre où Michaux nous propose, les retrouvant à vingt ans de distance, ce que ces dessins «d’aliénés» ont définitivement ravagé en lui? Ce n’est pas une énonciation tenable, mais on peut s’en saisir ici de point de départ, départ provisoire, le visage sans douleur et aux traces si rares de Michaux remplacé par nos propres visages, nos visages du dedans (soi-même inclus).
Une idée de départ : et si, à relire vos propres contributions aux propositions #03 (peurs), #04 (tenir tête), #05 (cri) vous cherchiez quels visages sont en amont, peut-être dissimulés, peut-être invisibles, sous vos trois textes ? Mais, sil vous plaît, pas d’image jointe.
• proposition de 20 minutes, écriture à tenir en 20 minutes, quelles que soient les activités autres, les projets d’écriture, les contraintes vie et travail, parce que jamais n’a été plus important de croiser les voix, d’assembler les partages — et justement, dans un écart qui nourrit, ravive la tâche solitaire;
• les textes sont envoyés à l’adresse mail du site, en fichier joint (.docx, .pages, .odt, merci éviter pdf), si possible accompagnés de 3 lignes d’un «codicille» sur l’écriture elle-même. Actualisation quotidienne pendant la période d’ouverture.
• libre à vous bien sûr (et même on recommande) de regrouper parallèlement vos contributions dans un article du blog à la façon habituelle;
à chaque fois, ça envoie ces consignes, avec la contrainte des 20 minutes qui oblige au resserrement. J’aime beaucoup ce que ça génère
tout à fait d’accord avec ça
l’étroit chemin proposé en contrainte provoque des textes qui labourent, étonnent dans leur netteté et leur quasi « brutalité » (si on peut dire…)
et c’est très beau
En effet, 1000 fois merci de nous guider, nous bousculer dans notre écriture, et puis pour le travail en parallèle (mise en ligne…).
Quel était votre visage avant que votre père et votre mère se fussent rencontrès ? koan Zen
Je parcours le PDF palimpseste de visages !
Particulièrement touchée (notamment !!!!!!!!!!) par le texte d’Aline Chagnon mais pas de publication sur la page WordPress. Alors je laisse un mot ici.
Particulièrement touchée par les textes où en même temps que se cherchent peur, tenir tête, cri, visages, se cherche aussi une langue. Tes propositions François nous invitent je trouve à retourner la langue à l’inventer à l’essorer.