Un diamant dans l’œil gauche brouille sa vision. C’est une vie à demi qui s’étend devant elle. À gauche donc, les rayons d’une forme diamantée qui brûle la pupille, déchire son regard, raye le dehors de diagonales blanches et persiste, même les yeux fermés, à inscrire dans son œil le danger qui la guette. De l’œil droit, elle voit ce qu’il reste à voir, quelque chose d’amoindri, froid et sourd. Les pensées sombres s’insinuent, se mettent à assaillir le crâne, vrillant ses tempes de mille aiguilles funestes. La voilà immolée sur un autel d’épines, tout recommence, il faut encore affronter l’effroi qui rampe, se faufile et surgit quand on se pensait à l’abri.
Sous la peau cela grouille et la mâchoire se crispe. Les dents sont si serrées qu’elles sont prêtes à se disloquer. Des ridules sillonnent le front qui se contracte alors que la main s’accroche au bras du fauteuil où le corps se durcit. Au bas des paupières pendent les derniers espoirs.
Survivante dans ce dialogue perpétuel entre les ombres des morts et le désir qui surgit de vivre encore, qui s’accroche aux tempes grises, les cheveux retenus dans un chignon sur le haut de la nuque. Les lèvres se murent dans la bataille où l’écho de sa propre voix la harcèle, lui intimant l’ordre d’en finir et d’autres voix qui l’incitent à avancer dans ce brouillard éternel où cela ne semble jamais finir. Le front se ride de tout ce qui ne peut se dire. Dans les sillons les mots scellés. À l’intérieur des joues, le mors de la détresse. Ne pas tomber dans la folie est ton ultime geste.
Je sais l’intérieur de l’épouvante, celle qui fouille, laboure, fore jusqu’à l’os. Tout se crispe sur un monde déchu. Ton visage est celui de l’épouvantail qui repousse les oiseaux. Tu te souhaiterais invisible pour ne plus effrayer celui qui tente de déchiffrer tes pensées. Ne lèves pas encore ton visage vers le miroir, ton reflet serait pire. Laisses pencher ta tête sur le côté, peut-être les idées noires vont-elles finir par tomber, s’éparpiller sur la terre, et des souffles sacrés les entraineront vers des vagues inassouvies.
Où des lunettes de vent pour chasser les valses de la mort qui te défigurent?
« Ne pas tomber dans la folie est ton ultime geste » me permet de visualiser le personnage de V. dans son fauteuil dialoguant entre ombres et désirs…
merci Solange, c’est très beau
et si seulement quelqu’un avait su la retenir…
Oh oui on aurait été plusieurs à lui tenir la main… Merci à toi !
Magnifique et terrifiant, d’une belle puissance votre texte Solange. Certaines images sont extraordinaires : pencher la tête pour laisser s’échapper les pensées, les lunettes de vent, je suis saisie, merci.
Merci Clarence, mais je crois que c’est la personne que j’évoque qui me porte…