#boost #06 | avalanche de masques

masque de souffrance que la contraction des muscles de la face déforme jusqu’à l’extrême d’un visage arraché à sa peau d’une bouche tordue des yeux exorbités jusqu’au sang qui pulse pour inonder de rouge le visage brûlant d’un champ de bataille et d’horreur

masque de beauté que l’impassible habite dans un souffle long et régulier au milieu duquel coule une rivière paisible – tiens un papillon ! – entre les lèvres douces et fines jusqu’à la peau duveteuse calme et reposée d’un visage sans tourment ni ombre tout en lumière

masque funéraire envahi par l’immobilité et par l’invisible comme un suaire sur lequel se dessine en filigrane l’absence de vie et les traits découpés aux ciseaux d’un cri qui n’est plus et qui n’a peut-être jamais existé tant il est difficile d’imaginer cette bouche en colère

masque de carnaval derrière lequel s’efface sous les couleurs trop vives pour être vraies le besoin d’être différent quand l’uniforme inondent les veines de celui ou celle que le rêve d’une autre vie devenu inaccessible hante au point de nier ses propres traits de les oublier de les ignorer

masque de jour masque de nuit comme si le soleil et la lune pouvaient se poser sur les visages pour que la lumière et l’obscurité illumine et éteigne le décompte des jours passés et effacent les traces du temps les crevasses qui zèbrent la peau du visage les rides des joies et des peines

masque chirurgical qui barre le bas du visage d’un rectangle bleu ciel pour interdire l’échange de vie et de mort entre l’être du dedans et celui du dehors sous les yeux hagards comme des miradors qui contemple un monde qui se découpe en pointillés dans une folie larvée

avalanche de masques qui nous ensevelissent qui nous étouffent qui nous empêchent de respirer au milieu desquels on s’agite on tente de surnager on veut juste survivre sans voir les visages ni respirer les odeurs ni toucher les peaux douces ou rugueuses parce que le cauchemar qui nous enveloppe est justement de ne plus rien voir ne plus rien respirer ni même toucher un mauvais rêve qui nous prive de nos sens sous les regards masqués des autres 

de tous les autres 


Photo de Frederik Merten sur Unsplash

A propos de JLuc Chovelon

Prof pendant une dizaine d'années, journaliste durant près de vingt ans, auteur d'une paire de livres, essais plutôt que romans. En pleine évolution vers un autre type d'écritures. Cheminement personnel, divagations exploratives, explorations divaguantes à l'ombre du triptyque humour-poésie-fantastique. Dans le désordre.

6 commentaires à propos de “#boost #06 | avalanche de masques”

Laisser un commentaire