C’est une poussée secrète, cachée, une torsion interne à la lisière du corps juste au bord, des ombres derrière les rideaux. Un ébranlement sans contours. Une dilatation du silence. En rêve je vais t’y retrouver. Vaille que vaille. Cela fait déjà quelques minutes que je n’entends plus rien, désormais les voici rejetées. Quelque chose gronde en-deçà du son, et des meutes de chiens, dans la tension qui monte mais ne se libère pas encore. La bouche fermée, le souffle court, coupé, gorge serrée sur elle-même. Plus rien ne sort. Combien je voudrais, je voudrais. Un frisson d’air traverse le ventre, remonte en spirale, contre les poumons sans les heurter. La voix des morts toujours se fait entendre. Une attente interminable qui enfle dans l’obscur, dans la peur des ombres. Point de rétention, à la limite de l’implosion, c’est tout comme.
C’est avant la fracture. C’est l’heure voici venir la nuit. Le bruit n’existe pas encore, prémices qui s’agrippent aux os, il se fond dans la moelle selon les jours selon. Il n’a pas de forme, tout entier tremblement, dans la révolte qui gronde. Encore prisonnier, il se nourrit de sa propre privation. Il ne sortira pas tout de suite. Pas plus qu’hier il ne sera demain. Abîme qui s’ouvre lentement, aspiration, appel muet. Il dissout le corps en ondes invisibles qui passent sans laisser même la moindre trace.
Un désir, une détonation, une absence. L’attente pèse et creuse en dedans, présent et sitôt s’évapore sans bruit. Tout est là, au bord. On sait si peu de choses. Un jour peut-être. Le corps ploie, l’espace s’inverse devant nous, une cavité s’ouvre sans s’effondrer dans l’intensité de l’instant, un état extrême d’excitation et de confusion.
La peau frissonne, le souffle rétracté se condense en un point névralgique d’une densité sourde. Qu’y a-t-il de réel à tout cela ? Toutes les images disparaissent. Il faut tomber pour le sentir, plonger avant de se heurter au vide, s’effacer avant d’exister. C’est une tension absolue, un temps qu’on regrette déjà. Lumière d’avant la déchirure. Un grondement dans la chair. C’est un retour de flamme. Une disparition. À contretemps. Puis, l’air se fend.
Codicille : C’est-à-dire que quand j’écris, le texte révèle en moi son propre chemin qu’il me faut suivre pour mieux m’y perdre, m’y égarer, expérimenter en dehors des sentiers battus. Le chemin est plus important que la destination.