#Boost # 11| Pas

Avant tout nous patientâmes, essayant tant bien que mal d’être des âmes, ce qui ne va pas de soi ; dérangeant notre désir d’aller vite, de nous confronter à ce qui nous heurte

À force d’être là alors que nous aurions pu être autre part, nous fîmes un pas, juste un pas, mais un pas qui coûte, un pas qui plombe, un pas qui renvoie à ce que nous aurions pu faire ou être si nous n’en étions pas restés là

Et puis nous prîmes le parti d’avancer malgré tout et de faire un nouveau pas, rien qu’un pas dans la nuit qu’éclairait à peine le petit jour. En regardant, bien en face : le petit jour, c’est cette lueur qui donne le la – tu vois comme tu entends, comme tu peux, allant même jusqu’à ne rien voir

Nous nous engageâmes, visant le petit jour, peut-être un pas, peut-être pas, juste ça mais les lueurs parfois furent mensongères, comme souvent

Nous poursuivîmes ce qui s’offrait à nous, adoptant le muséum surnaturel comme d’autres adoptent les enfants et nous défendîmes plus que tout notre amour, le nom de ce qui nous échappe et nous rejoint en passant par l’horreur des absences

Nous fûmes au rendez-vous de ce qu’il importait d’être, au-delà des exactions, des disparitions que signe chaque nuit. Juste un pas, encore un. Parfois illuminé. Parfois pas

La nuit prit le relais, nous la comprîmes mais il nous fallut entrer en résonance avec un monde qui n’en finissait pas de se contredire et de nous entrainer dans les contrefaçons

Alors nous prîmes la décision qui éloigne et rapproche, celle qui ne ressemble à rien d’autre qu’à elle-même comme une halte auprès d’un feu quand on se dit qu’on se reverra plus tard après les flammes qui diminuent

Tout cela, malgré tout, nous le mîmes en partage

Et nous avançâmes autant que crûmes avancer

A propos de Christine Eschenbrenner

Génération 51.Une histoire de domaine perdu, de forteresse encerclée, de terrain sillonné ici comme ailleurs. Beaucoup d'enfants et d'adolescents, des cahiers, des livres, quelques responsabilités. Une guitare, une harpe celtique, le chant. Un grand amour, la vie, la mort et la mer aussi.

4 commentaires à propos de “#Boost # 11| Pas”

  1. et les résonances en « âme » et en « pas » nous entraînent — comme elles vous ont entraînée sans doute (j’ai toujours été frappé de ce « pas », qui sonne comme une avancée dans le négatif et qui dénote l’hésitation et la perte d’équilibre possible « à chaque pas » : « nous n’en étions pas resté là » et c’est comme, au choix, un pas de plus ou la jambe qui flanche, une trappe — et comment faire des pas en moins, qui pour autant ne reculeraient pas ?)
    « nous avançâmes autant que crûmes », mm gourmandise

  2. pas à pas, paragraphe à paragraphe , avec lenteurs, et détermination, en avançant pourtant, immobiles peut-être … « en essayant tant bien que mal d’être des âmes  » j’aime ce texte : ses mystères, ses ambivalences

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