# Boost # 05 | L’enfant dans la cave.

L’enfant est enfermé dans la cave – L’enfant dans la cave tourne en rond – Il tourne en rond pour ne pas devenir fou – Quand il ne tourne pas en rond il cogne des pieds – des poings – de la tête – contre les murs de la cave – se jette dessus – ou bien il dort – Nulle issue – mais une fente dans le plafond laisse passer un peu de lumière qui lui permet de savoir si c’est le jour ou la nuit et de compter le temps – Cela fait toute sa vie qu’il est dedans – Quand l’enfant tape contre les parois rien ne se passe que le blesser – Les murs ne bougent pas – ne laissent rien passer – Son regard et ses coups rebondissent sur leur surface – le repoussent à l’intérieur dans l’abîme du dedans – C’est cela qu’il voit quand il n’en peut plus de fixer les murs de la cave – un trou qui remonte de lui pour l’avaler de l’intérieur – Cela pourrait le tuer – en a tué d’autres avant lui – mais par la fissure au dessus de sa tête l’enfant a découvert que sa voix pouvait passer – Qu’une partie de lui pouvait échapper et peut être avec elle tout le reste – Sa bouche s’ouvre d’abord petite puis de plus en plus grande – Sa gorge émet une vibration sourde qui le parcours depuis le squelette jusqu’à l’épiderme – Sa tête tire sur son cou – sur ses épaules – vers la fissure dans le plafond – Son buste se redresse – Sa cage thoracique s’ouvre – se déchire – Ses bras se tordent – repoussent – écartent l’obscurité épaisse comme de la glue qui le colle – le contraint – l’écrase – Les muscles de ses cuisses se contractent – campent ses jambes au sol pour le hisser vers le plafond – Plus il se déplie plus la souffrance est grande – plus sa bouche s’ouvre – démesurément – et la souffrance devient puissance – C’est une transe – Il a fermé les yeux – rappelé à lui toutes les douleurs – les peines – colères – rages – larmes – qu’à présent il invite sans plus de peur dans un cercle de feu intime – communiant – fraternel – Ses poumons s’emplissent d’air comme les flancs d’un Zeppelin – Une force colossale monte du fond de lui – l’envahi – l’enveloppe – le protège – le porte – Depuis le fond de la cave il crie – hurle – et à l’extérieur de son corps dans le monde c’est un chant qui s’élève. La salle est pleine. Beaucoup de gens sont venus l’écouter chanter.


Codicille : Une première lecture du texte d’Artaud que je dois interrompre à moitié, trop dense. Une seconde et s’organise dans mon esprit un patchwork comme un champs lexical : « Cri de révolte qu’on piétine. Abîme qu’on ouvre. Poumons souffle ventre. la volonté partira de la faiblesse, mais vivra, pour recharger la faiblesse de toute la force de la revendication. Toute émotion a des bases organiques. C’est en cultivant son émotion dans son corps que l’acteur en recharge la densité voltaïque.» Aux premiers mots d’une troisième lecture une phrase surgit en moi et s’impose comme clé pour ouvrir mon texte : « L’enfant dans la cave ». Je la note sur un post-it, elle entraîne un flow sur les petits carrés de papier. En quelques instants la charpente du texte est créé. Je la transpose sur ordi. Ensuite, plusieurs jours à polir comme on peut, le rythme, les mots, la progression. Ensuite, laisser sécher et publier.

A propos de Laurent Peyronnet

Depuis une vingtaine d’années, je partage mon temps entre le nord de la Scandinavie et la région lyonnaise où je réside. Je passe environ cinq mois sur douze sur les routes de Laponie ou j’exerce le métier de guide touristique et le reste du temps, j’essaye d’écrire. J’ai publié trois romans jeunesse, quelques nouvelles et contes. Je fais aussi un peu de musique et de dessin. Je n’ai pas de site internet mais vous trouverez l’actualité de mes romans jeunesse sur la page Facebook : "Magnus saga" J'anime également de façon intermittente la chaine Youtube « Quelque chose à vous lire » ; vous y trouverez actuellement une soixantaine de lectures vidéos dont : Raymond Carver ; Bob Dylan ; Joyce Carol Oates ; Selma Lagerlöf... et plus modestement, quelques uns de mes textes.

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