Souvent je regarde la boite aux mails pour me sentir en sécurité – j’en laisse pas mal de fermés pour me sentir sûr de moi (le plus souvent aussi c’est la poubelle sans regarder) (je me remémore le chiffre et je regarde en comparant – là j’en suis à dix-sept) – parfois je fais le ménage, je regarde, je trie, je colle en spam je déplace je change je laisse tomber je laisse faire j’oublie je préfère – je me demande j’écris, je me demande j’écris je crie un grand et long silence me répond – je me demande si – je laisse faire, je laisse filer je préfère me prendre pour un autre, je me regarde dans la glace, je me défie je me sers de mes yeux mais un seul fonctionne vraiment je ne garde aucune perspective, je vais regarder ailleurs, je lis des trucs sur les affres que nous subissons, que d’autres subissent par la volonté imbécile d’autres encore qui se pensent maîtres de ce qu’ils disent ou de ce qu’ils font mais ils ne sont agis que par des idées laides et bêtes à pleurer – meurtrir blesser frapper cogner agonir avilir – le monde tel qu’il est, je regarde encore je vais marcher, c’est un pays libre, les caméras de surveillance fonctionnent, au même moment certainement dans certaines écoles confessionnelles du côté de cette ville dont il est le maire il fallait bien que ces choses-là se passent au même moment, je vois ça, au même moment que d’autres je regarde et cette indignité-là me révulse : c’est un pays libre comme cette école oui – je crie dans le silence un silence obtus et fermé de rien, je ne crie pas, je ne dis rien – je regarde derrière moi, je chante ou alors je sifflote j’oublie je regarde devant moi un pied devant l’autre, je marche – dans mes poches j’ai enfoncé mes mains ce n’est pas qu’il fasse froid / le fond de l’air est doux alors je pense à toi je crie je te hèle ou sans un seul mot je t’appelle les gens il faudrait ne les connaître que disponibles / à certaines heures pâles de la nuit – il fait noir je n’ai pas peur je me lève je ne crie pas il fait noir j’avance doucement pieds nus – il fait froid je n’ai pas peur – les rêves s’estompent doucement, il y a quelque chose dans l’air qui a cette transparence et ce goût du bonheur qui rend ma lèvre sèche et dehors sur les étals des marchands les gâteaux sont entassés au miel à la semoule aux dattes – le cri, un cri, un râle, des remugles – j’ai autre chose à faire que de crier, je voudrais m’éteindre ou je voudrais t’étreindre, je voudrais m’asseoir et me trouver enfin devant quelque chose de vraiment important à faire, la foi a déserté mon clavier longtemps j’y ai cru pourtant et puis un jour, sans crier gare ou Hardi ! Hardi ! comme disait le poète, il n’en a plus été question – j’ajoute des virgules, j’ajoute des italiques je descend la rue de l’Équerre, l’arbre qui jouxte le garage désaffecté, le goudron et les murs, le silence de la rumeur, les cris des enfants – je marche, je ne crie pas ça reste dedans en un sens parce qu’il faut que ça reste là, juste là – il y avait cette façon de dire je te jette un sort parce que tu m’appartiens tu te rappelles et ça faisait aussi et ça m’est égal si tu te fous de moi puisque je t’aime – la voix est une affaire qu’il est nécessaire de faire chauffer, doucement avec des exercices, il faut comprendre qu’elle peut se casser à jamais, il vaut mieux chanter doucement murmurer presque superficiel et léger doucement comme le parfum des mimosas c’est de saison mais doucement et lentement et longtemps – comme quelque chose d’inattendu mais d’espéré pas voulu pas demandé pas offert, mais là seulement au moment où tu l’attends sans l’attendre – là doucement et lentement et longtemps
8 commentaires à propos de “# BOOST # 05 | là”
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c’est beau Piero
@Philippe, Clarence, Laurent : merci de vos lectures – et content que ça vous plaise…
C’est un texte profondément touchant Piero, c’est vrai que c’est beau. Merci pour tes mots et cette lecture du matin.
merci, superbe texte.
plaisir à te lire, et ce passage qui me touche :
« j’ai autre chose à faire que de crier, je voudrais m’éteindre ou je voudrais t’étreindre, je voudrais m’asseoir et me trouver enfin devant quelque chose de vraiment important à faire, la foi a déserté mon clavier l »
merci de ta lecture Françoise (content que ça te parle) – et bonne suite…
( il faut comprendre qu’elle peut se casser à jamais, il vaut mieux chanter doucement murmurer presque superficiel et léger doucement comme le parfum des mimosas c’est de saison mais doucement et lentement et longtemps – comme quelque chose d’inattendu mais d’espéré pas voulu pas demandé pas offert)
c’est très beau . Très émouvant ce texte . Merci
@Nathalie Holt : merci à toi Nathalie