Ce cri va m’étouffer s’il reste coincé là dans ma gorge et le haut de ma poitrine. S’il sort, s’il arrive à sortir, il sera minuscule, aigrelet, sans portée. Dans le rêve des fois, on arrive à faire sortir cet impossible cri, il peut être terrible à réveiller l’autre. Il a coûté beaucoup d’effort et terrifie. Je ne parle pas de cela, je ne dors pas, j’étouffe.
Ce cri m’étouffera si je ne parviens pas à le faire sortir. Il m’étouffe déjà, m’empêche de reprendre mon souffle. Il faut qu’il descende, m’emplisse tout le ventre, le dos, tout le sexe, les jambes même. Solide. Je sais dans ma tête, mon corps ne suit pas.
Ce cri m’étouffe déjà, car il faut du temps quand on a le souffle coupé pour retrouver l’automatisme de la plus automatique des routines du corps.
Réapprendre à respirer comme un bébé. Pousser ce cri de douleur des poumons qui s’emplissent d’air pour la première fois. Pousser ce cri d’effroi face à la lumière vive. Ce cri de terreur d’entrer dans l’univers glacé. Ce serait bien. C’est exactement ce que je veux sans y parvenir.
J’écris et l’étreinte se fait moins poignante. Il se passe quelque chose comme un minuscule filet de souffle qui descend, s’amplifie, s’expanse, se calme. Doucement, calmement, il se forme le hurlement que j’attends à faire trembler les murs, briser les verres, terrifier mes voisins. Encore et encore, fluide et continu, il résonne, se fait entendre au loin, se répercute. C’est bientôt un concert ininterrompu de cris qui se répondent de loin en loin de toutes les poitrines, de tous les ventres. Un cri libérateur et continu.
la fin me fait penser à Duras quand elle dit qu’écrire, « C’est hurler sans bruit »
sans bruit, mais pas sans effet. Je lis Justine Augier (Personne morale et croire sur les pouvoirs de la littérature), peut-être un peu intoxiquée à l’espoir facile.
Il y a toujours une puissance dans les textes sur les cris, c’est toujours présent et fort, merci pour le tien Daniele.
Merci Clarence
Après la lecture de ton texte dès sa publication je suis restée sans mots tellement ses cris m’ont étouffée, j’ai repris mon souffle et je peux te dire MERCI Danièle