#boost #05 | Accouche ton cri

Rien n’égale le cri puissant et libérateur de l’accouchée. Le grand beau cri offensif de l’accouchée que les sage-femmes restées sages encouragent, vas-y crie ma fille crie, en vous caressant les cuisses… Rien ne vaut les cris de l’enfantement, des enfanteuses et des enfantés. Le cri de la vie.

Le cri de colère lui, est mauvais il prend sa source dans chaque veine, pire encore quand il reste prisonnier, il vous piétine le bas ventre, végète dans la poitrine, étrangle l’œsophage, investit le dos qu’il tend à outrance. Ne pas crier…  Tout le corps en tremble, ne pas crier… tout vibrant de son emprisonnement, le cri vous agite, vous fait marcher de long en large, remuer les bras et secouer les mains, et tout s’oppose : les meubles foncent sur vous, les murs vous cognent, les bibelots s’effondrent, les porcelaines se brisent. Ne pas crier, ne pas crier… Tout le corps en tremble. Ne pas crier… Saisir, saisir n’importe quoi et le projeter loin de soi… Je cherche mon cri, où s’est-il tapi ? La peur flambante aux yeux fous, les à quoi bon, l’impuissance de la flaque l’ont assujetti, je me rigidifie, je suis en béton, armée jusqu’aux dents, je suis en bronze inaltérable, ne pas crier ne pas crier mais de petites bulles de cri montent jusqu’à la bouche et en jaillissent, craintives et indécises sous forme de piaillements, de glapissements ridicules, un petit filet de cri, un pas grand-chose, je crie et on n’entend rien…
Ne pas crier, encaisser, endurer, faire tampon… Le cri acculé se rebiffe, il pousse, il pousse, il force les chairs, il traverse l’enfant, il traverse la poitrine, il traverse la beauté, il traverse le silence, la peau devient rouge, les lèvres se serrent pour le retenir ne pas crier ne pas crier mais rien ne peut le retenir désormais alors j’enfante mon cri et il traverse les lèvres il traverse la salle, il traverse les murs, il traverse la ville, il traverse l’univers, il recouvre tout, le cri retenu enfin accouché je crie tout je crie toi je crie moi je crie la vie je crie mon sort je crie la guerre je crie les tasses en porcelaine je crie l’amour je crie le désamour je crie ma faiblesse je crie l’injustice je crie ma naissance je crie l’enfantement je crie la souffrance. Je te crie, je te crie, je te crie ! 

Prendras-tu ma main et caresseras-tu ma joue ?

A propos de Catherine Plée

Je sais pas qui suis-je ? Quelqu'un quelque part, je crois, qui veut écrire depuis bien longtemps, écrit régulièrement depuis dix ans, beaucoup plus sérieusement depuis trois ans avec la découverte de Tierslivre et est bien contente de retrouver la bande des dingues du clavier...

Un commentaire à propos de “#boost #05 | Accouche ton cri”

  1. est-ce qu’il n’y a pas les cris et le cri. cela s’entend dans ce que tu écris. il y a aussi cette dimension importante d’adresse à l’autre, de convocation, autre où que tu sois, m’entendras-tu, es-tu là ? ha ha, ça fait un peu esprit es tu là ce que je dis… mais, je trouve qu’il y a quelque chose de cet ordre-là, dans ce texte , d’une sommation de l’autre, y aura t-il une réponse ?
    le cri qui précède celui de l’enfant qui va naître, qui lui ouvre le monde, le fend

    oui, je te prends la main , Catherine, et je caresse ta joue

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