Codicille : la peur une crise de conscience
Le contre-jour le découpait, la fumée de ses cigarettes rejoignaient les nuages, une mer de nuages sous les sommets qu’il n’avait pas eu peur d’atteindre il n’avait pas eu peur de les étreindre non plus, peut-être qu’à les serrer si fort il les avait pulvérisés de ses peurs. Il soufflait la fumée comme une expiration d’altitude un abandon au vent, ses yeux suivaient les volutes, leur danse brisée dans les courants invisibles, avait -il peur des trajectoires fragiles interrompues insaisissables, un sourire ou une résignation offerte à l’abîme. Il avait gravité autour de cette obsession : atteindre, absorber voulait-il toucher les sommets ou les posséder les faire plier sous ses pas avait-il peur d’être lui-même à en vouloir devenir eux, pensait-il qu’en les aimant il pourrait les dissoudre en lui et n’en garder que la poussière au creux de ses paumes. La peur d’aimer il ne savait plus ce que c’était, faut-il avoir aimé ? il l’avait lâchée de si haut comme une valise trop lourde avant de grimper, transformée en vide de répétition, un battement qui ne s’arrête jamais même quand le sol a quitté les pieds ; il avait inspiré longuement rempli ses poumons d’un air glacé presque douloureux il avait toussé longtemps, soufflé lentement regardant la fumée s’enrouler sur elle-même avant de disparaître… avait-il peur de tendre la main tournée vers l’horizon assez pour le toucher… il n’y avait plus de sommet plus de ligne claire juste une immensité absolue, une dissolution, peur de l’équilibre qui tient à si peu quand la gravité fait son travail, une sensation d’envol une oscillation entre chute et ascension, une fumée de cigarette comme un nuage qui se défait.
Bien ce texte. En arrètant de fumer on est de plain-pied avec ses peurs, je m’étais dit ça pour m’encourager— il y a de ça quelques années maintenant. Je ne suis pas sûr que ça ait aussi bien marché que la petite cinématique que j’ai inventée… Le mot TAXE arrivant du bout de la rue et grossissant, grossissant comme un gros blub m’engloutissant. En tous cas bien vu, ça me parle, ça me rappelle même des souvenirs. Merci Raymonde.
Merci Bernard, c’est chouette les souvenirs quand on les partage même sans savoir lesquels…
Oui très beau texte, je me suis laissée envelopper par la poésie comme en apesanteur.. Un abandon au vent….
Merci Raymonde
Merci Marie, oui apesanteur comme une brume qui nous soutient et en même temps nous envahit par son opacité
Cette écriture poétique où tu excelles et l’esquisse d’un personnage comme un mystère à peine dévoilé entre fumée de cigarettes et nuages. Très beau, merci, Raymonde.
Merci Anne d’avoir pris le temps de me lire, c’est encourageant, à tout soudain