Lui à New-York. Elle à Belgrade. Après la peur de déchirer les chairs à force de pousser, après la peur de la mère par les sucs, la peur du père par la peau, après la peur de voir le jour égale au désir de voir le jour, on les emmaillote avec la peur de les briser, lisses et roses dans deux mondes flambants neufs. Il ne se brise pas. Elle ne se brise pas. Il n’a pas peur de manquer, le dollar est sa maison. Il n’a pas peur de se salir, le dollar est son savon. Il ne mourra jamais. Elle a peur de la torture et peur des cris. Elle a peur de l’eau, peur des mains des femmes le jour, peur des mains des femmes la nuit. Elle a peur des coins de table au petit matin. Elle a peur de se noyer, peur de noyer son frère, peur de noyer sa mère. Il a peur de rater, peur d’être en bas, peur d’être moins que lui, et lui, et lui aussi, peur du dessous, peur d’être trop petit, trop tendre, peur de ressembler à une femme, peur d’être piétiné, peur d’être piétiné par une femme. Il casse les corps, il fait peur. On la casse, elle a peur. Il ne sera pas soldat dans un monde qui fabrique de la peur qui fabrique des soldats qui fabrique des murs. Elle sera soldat dans un monde qui fabrique de la peur qui fabrique des soldats qui fabrique des murs. Elle a peur du sang de sa mère, peur du sang de ses règles, elle a peur de la mort, elle met une croix sur son buste. Il a peur de perdre ses dents, il met des dollars dans sa bouche. On ne la casse plus, la douleur s’est mise à rire. Et la peur se met à peindre. La peur fait de l’art avec des cordes, avec des couteaux, avec du feu, avec de la terre sur son corps dur. Elle a peur des bombes et des avions. Il a peur des chats et du soleil, il a peur de perdre ses cheveux, il a peur d’être mou. Elle n’a pas peur de New York où il gonfle son torse rose avec des machines en plastique. Il avale la peur. Il achète la peur et il revend la peur. La peur s’enroule en liasses dans son nombril, dans ses plis, la peur pousse sur son crâne humide. Il rêve d’exploser. Elle fait entrer la peur dans les musées. Il a peur des musées. Elle marche nue à côté de la peur. Elle se caresse avec la peur. La peur devient son jouet brûlant. Elle regarde la peur la regarder la regarder en crachant du sang et des verbes. Lacérer humilier déchiqueter détruire torturer violer. Il sourit. La peur crache aussi des dollars.
Le chemin est le suivant: Yoko Ono > Marina Abramovic > web: année de naissance de Marina Abramovic, 1946 > web: année de naissance de Donald T, 1946 (quelques mois plus tôt) > je les imagine bébés > je les retrouve à New-York aux mêmes moments. J’ignore pourquoi j’ai tiré le fil, traité ce duo incongru. Quelque chose m’échappe, me laisse en suspens, se cache.
Vous avez bien fait de tirer ce fil, j’ai beaucoup aimé votre texte que je trouve rythmé et bien équilibré. Surprenant, ce quelque chose qui échappe, mais sonne juste et me parle.