boost #02 | ouvrir et fermer les portes de l’enfance

Pousser la porte lourde d’un HLM orange, voir une femme sortir, et derrière elle, la lourde porte qui se referme sous son propre poids en un léger claquement net, mat et sans bavure, il est tôt, le soleil d’hiver n’est pas encore levé, la minuterie plonge le hall dans l’obscurité. Porte de palier, 5ème étage, appartement 502. Un enfant dort dans son lit cage, un filet de larmes séchées sur le visage. Porte blanche dans un étroit couloir. Chambre carrée, occupée par un grand lit deux places au couvre-lit rouge, une table de nuit et la grande armoire en bois avec la porte qui grince et dedans les boules au ventre, la peur des monstres, les heures qui sonnent à l’horloge de l’église et dans le noir de la chambre, le rai de lumière sous la porte et son bruit mat mouillé et glissant de serpillère après le film du dimanche soir. Porte vitrée et des rideaux pour occulter. Enfilade de deux chambres communicantes où bruissent des voix de femme dans la chaleur iodée de juillet, un grand lit dans chaque chambre, le premier pour l’arrière-grand-mère et la grand-tante, le second pour la grand-mère et la petite, l’aînée dort dans un lit de camp. Portes-sas. Larmes et cavalcades dans les escaliers. Porte de la chambre. Refermée sur la peur, la solitude, les larmes et le ventre noué. Une porte s’ouvre et se ferme. Noir.

Codicille : je suis partie de la forme Porte.Intérieur.Porte.Intérieur.Porte pour structurer le contenu des phrases. J’ai choisi les lieux marquants de l’enfance. Peu ou pas de souvenir des portes, de leur aspect, alors j’invente. Dans chaque lieu, des traces matérielles concrètes, bruits, couleurs, formes, des silhouettes familières et l’enfant d’alors.  

A propos de Émilie Marot

J'enseigne le français en lycée où j'essaie envers et contre tout de trouver du sens à mon métier. Heureusement, la littérature est là, indéfectible et plus que jamais nécessaire. Depuis trois ans, j'anime des ateliers d'écriture le mercredi après-midi avec une petite dizaine d'élèves volontaires de la seconde à la terminale. Une bulle d'oxygène !

2 commentaires à propos de “boost #02 | ouvrir et fermer les portes de l’enfance”

  1. Merci pour ce texte Emilie , qu’on visualise vraiment très bien, que l ‘on ressent comme un univers familier, « le rai de lumière sous la porte et « son bruit mat mouillé et glissant de serpillère après le film du dimanche soir. » Tous les sens sont convoqués dans cet univers exclusivement féminin, de porte en porte , de génération en génération…

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