La chaleur est dans le dos et pousse la sueur est dans le cou et pousse devant elle est verte sombre elle sent l’humidité feuilles immenses brillantes d’une pluie passée une brume légère monte s’y agrippent des racines comme autant de doigt protégeant la porte et son seuil la poignée est brûlante l’air épais il faut être volontaire il faut vouloir entrer appuyer porter le poids de son corps si petit soit-il vers l’avant contre elle actionner les muscles du bras du poignet ferme la main contre pour que le vert cède qu’il s’ouvre la chaleur s’engouffre et le corps pénétrer. L’escalier tourne son béton brut ses marches enivrées s’enroulent un serpent son sang froid son sifflement compter jusque seize ou plutôt un décompte qui s’avance les secondes sont les marches sont le béton l’arbre à la sève rouge comme cette porte seule qu’il faudrait entailler et la façade qu’elle condamne l’œil est minuscule un noeud dans le grand temps de l’arbre qui ne laisse rien deviner du silence ou des jeux de l’autre côté comme il faut basculer dans cet autre versant du monde ne pas sonner ne pas frapper dans un glissement entrer. Lumière jaune très jaune très faible les sons ricochent se pendent aux rais de lumière que les pas piétinent un à un le parfum de jachère ne se dissipe pas accroché aux murs lisses très lisses ne pas reculer ne pas cueillir les fleurs sauvages du chambranle juste une porte blanche comme les pensées volatiles des oiseaux s’effarouchent du frisson de la serrure un grincement avancer. Des grappes de baies vives odorantes garnissent ses panneaux le miel ou le soleil un reflet un miroir quelque chose qui se traverse translucide une transparence qu’on n’ose du doigt effleurer les gonds vibrent la matière s’étire change on devine le ciel ou l’eau elle est grande devant elle s’épaissit au métronome des pas qui approchent les montants appellent comme appelle la mère l’enfant à l’heure du coucher c’est la nuit un demain possible un fruit défendu qu’est cette porte abaisser les paupières penser en étoiles alors quand le corps s’engourdit passer. D’acier et de verre l’hiver quand le ciel s’appuie aux épaules des vivants les poussant vers deux portes un tri deux files un choix deux solutions elles sont neutres elles ne disent rien de l’amont de l’aval elles coupent couche de glace pour surfaces dessous les profondeurs un océan peut-être un monstre peut-être le chant de la porte divise l’âme de la porte cache un dessein peut-être un paysage peut-être d’acier et de verre l’hiver les mains tremblent les joues rouges et la paume contre le battant le cœur refroidi alors traverser.
8 commentaires à propos de “#BOOST #02 les portes | traverser”
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Superbe texte !
Ces images :
… les racines comme autant de doigts
… le passage autour de l’escalier – serpent, magnifique !
… ce ciel qui s’appuie aux épaules des vivants
Merci pour cet univers enivrant, pour ce voyage.
Merci Annick ! J’ai peur d’avoir un peu trop réinterprété la consigne mais François ne m’en voudra pas !
Quel rythme donné par ces verbes à l’infinitif en fin de phrase, comme les stations d’un chemin – par forcément de croix ! – une exploration un peu vertigineuse et ses paliers où reprendre pied. Vraiment une très belle construction.
Merci Jacques pour ta lecture ! Avec l’infinitif en effet, je voulais poser quelque chose de l’ordre du solennel… je ne sais pas si c’est le bon terme mais c’est lui qui me vient
On avance dans le texte comme en un songe. Et « penser en étoiles » qui me cueille…
Merci Solange,
Les ateliers basés sur la mémoire m’effraient toujours donc j’ai contourné l’obstacle en mêlant sensations de souvenirs et rêve
Il n’y a que se laisser porter…
Rétroliens : #BOOST #03 peurs | dans la ville – le Tiers Livre | écrire, publier, explorer