#boost #02 | l’entre portes

Codicille : J’ai fait la chronologie à l’envers du plus récent au plus ancien c’est venu comme ça sans y penser

Sur le chemin de campagne une porte en bois clair poignée métallique horizontale plantée sur son cadre une invitation de passage impromptue un trompe-l’œil qui sait elle ouvre sur mon paysage de promenade quotidienne balade essentiel de respiration et  bonheur de la vision le vent pousse poussière d’herbe haute plie doucement une ombre  glisse devant la porte hésitante vacillante silhouette sans nom je m’arrête seconde ou éternité ne sais plus l’ombre attend elle aussi ou peut-être pas peut-être est-elle  le reflet d’un temps dissous au creux du sentier la porte tremble à peine un frémissement je tends la main le bois froid sous la paume la poignée métallique lourde infime espoir ou infime crainte que derrière quelque chose d’autre rien de ce que je connais déjà je tourne attends et reviens. Porte blanche métallique  froide lourde à deux mains la tire monter ou descendre je n’ose pénétrer tant de fois immobilisée entre deux étages seule dans la maison close trouver une sortie quand on est entre deux étages un entre deux mondes un entre deux soi qu’est-ce qu’un entre-deux pas tout à fait ni l’un ni l’autre attendre sans mouvement sans pensée le sol sous les pieds mais plus vraiment le haut au-dessus mais plus vraiment non plus le vide devant sans porte sans issue rien un battement une hésitation le temps s’étire se plie se referme peut-être ne s’est-il jamais ouvert peut-être toujours ici toujours nulle part. Allongée pénétrer par aspiration à l’ouverture des portes automatiques, chuintement froid un sas une porte  un couloir sans fin encore le scialytique cliquetis des bips des gants blancs odeur de caoutchouc air stérile chargé de désinfectant s’engouffre dans les poumons un bourdonnement d’oreille incessant ça siffle. Porte à quatre carreaux verre dépoli tirer la poignée en porcelaine blanche toujours froide la porte accroche sur le parquet en dévers toujours ce dévers pencher forcer passer le vestiaire au portique ployant sous le poids des habits manteaux vestes écharpes entassés suspendus pendus tissus muets tissus lourds odeur de laine de sueur ancienne main sur le tissu laine râpe sous les doigts glisser entrer frôler avancer des histoires qui se passent dans les vestiaire se nouent se défont s’oublient en silence. Deux marches une porte bois marron lourde  griffée par les chats une clenche résiste un instant cède s’ouvre sur l’odeur du petit lait et du noir de suie la cave de la baratte où le beurre prenait vie l’odeur du tonneau et  de l’humidité des bouchons de liège un bruit derrière ne pas se retourner. La clé dans la serrure la porte sans poignée s’ouvre sur l’usure des patins en feutre un pied puis l’autre glisser sur le parquet encaustiqué qui réconforte parle craque soupire brûlé en cercle autour du poêle à bois trace du temps le tisonnier là immobile derrière la fenêtre la brume nulle part presque une chaise vide ne pas s’arrêter un pas encore toujours. Porte de cave ajourée en lattes fermée par un crochet doigts gourds à l’ouverture  grinçante des boulets d’anthracite roulent sur mes pieds saut arrière trop tard poussière sous l’ongle dans la narine une pelle une bougie vacille l’ombre danse sur la pierre nue un seau à charbon vide le remplir un deux trois coups de pelle bruit trop lent refermer la porte  le crochet courir courir  courir.

5 commentaires à propos de “#boost #02 | l’entre portes”

  1. merci Jean-Luc oui une atmosphère étrange un style inhabituel pour servir un texte que l’on pourrait écrire de bien des façons… la découverte est intéressante elle permet de franchir des portes…

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