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Deux mètres sur un, profondeur un mètre cinquante – en haut d’une petite colline, le chemin est en impasse, sur la droite on va vers la vraie vie, une ferme d’agrotourisme comme on fait maintenant, alors ça n’existait pas, une allée bordée de pins parasols, puis une place, une sorte de placette ronde,une toute petite esplanade et un mur qui la ferme, un petit pan de mur jaune, un banc, la porte est en fer forgé, au dessus, dans une espèce de courbe Nemini Parco*, on entre et en majuscules on pense Memento Mori** et sur la gauche, la petite allée, vers le fond on a construit une espèce de temple, la porte en est de verre et de fer – il n’a jamais été question d’épandre ses cendres quelque part, il n’a jamais été question de rien d’autre que de repos, sur cette terre-là, sur ce bout de concession perpétuelle, il y avait là une place prévue pour toi, Noretta, et tu l’as prise, il y aura de la place pour qui sera le bienvenu, qui voudra en ayant fait la demande la prière – sur le mur du fond, une meurtrière – il y a toujours cette image, un peu comme quand on passe ici sous le pont bleu, cette image de tranquille et calme quiétude – cette image de lui, agenouillé tenant sa tête dans sa main, accoudé au prie-dieu dans cette église de briques, romaine et ronde, moderne, sans âme – comme on l’a trouvé le mardi, vers dix heures et demie, après l’autopsie, après la thanatopraxie, après les soins les vêtements les surplis, les bijoux, sûrement d’autres choses, on a vu passer la voiture qui venait de la petite église de Santa-Maria-del-Monte, le samedi matin, la foule dans le village, et qui montait vers cet endroit-là, indiqué nulle part – tout le monde sait où il se trouve, une espèce de bout du monde

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elle était en tas sur le côté, la veille il avait plu, la boue, toute cette boue, oui, on était en mai et il avait plu, la terre collait aux pelles, il avait bien fallu creuser, il avait bien fallu prévoir, on avait dit que c’était lui qui avait prévu cet emplacement – on a beau dire mais la religion n’est rien d’autre qu’un dialogue avec la mort, alors qu’elle vienne, qu’elle soit venue à ce moment-là ou à un autre n’avait pas vraiment d’importance : ça ne fait même aucune différence, la lumière lui était elle aussi certainement venue, mais là, à cet emplacement-là, chacun passant devant en avait jeté une poignée, là quelque chose de la réalité se faisait, quelque chose qui n’avait que peu à voir avec ces pensées, aussi élevées soient-elles, de la terre, de la boue un peu comme tout ce qui venait de se passer, toutes ces semaines précédentes mais ça n’avait rien d’exceptionnel même si c’était unique, de la boue comme ces sentiments, de la boue et cette terre qui boit toute cette eau quand ce n’est pas du sang parce que l’humanité s’y entend pour l’épandre, on dit qu’il y en a cinq litres par personne mais mêlés à la terre ça n’en fait pas une boue tellement différente, plus poisseuse peut-être ? probablement mais est-elle vraiment différente ? On y était, on y revient, voilà tout
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je me souviens, j’avais un oncle qui aimait sa propriété, il disait « mon domaine », il l’aimait plus que tout au monde, plus que sa femme évidemment, mais plus que même ses enfants s’il en avait eu, c’était quelque chose comme s’il s’était agi d’un être, suprême, bien supérieur à quelque humain que ce soit, évidemment, une divinité oui, peut-être à ce point d’adoration : je n’avais pas été étonné quand un de ces matins de mai, je l’avais trouvé allongé là, lui, souriant face contre terre, endormi tant il l’aimait, fatigué comme après l’amour et sans le réveiller je l’avais ignoré, il habitait dans cette région du monde mais plus au sud, une ville construite par l’ordure mais lui, ça ne le gênait pas plus que ça,l’important pour lui, c’était cette terre qui nourrissait ses pieds de vigne, il en possédait quelques milliers, au bas des montagnes, sirah cabernet sauvignon barbera entre Rome et Naples, presque rouge, une terre féconde et sèche, basique, et calcaire, et propre et devant chacune des palissades, ces rangées géométrique, on avait planté un rosier de couleur différente qui fait une allée du chemin poussiéreux qu’il empruntait à pied, bottes et pantalon de cheval, gominé, je n’aurais pas été surpris de la lui voir goûter
c'est peut-être un peu comme d'habitude (je commence à prendre des habitudes) (il ne faudrait pas mais tant pis) je ne tiens compte, crois-je, que d'une petite part de la consigne (je l'ai quand même trouvée copieuse), je me suis dit je vais remplacer la terre par la mort, et je vais voir ce que je peux en tirer - ça n'a pas marché - j'ai changé de narration, je suis un peu submergé par le travail courant les journaux les recherches les images les chansons (il n'y en a pas cette fois) c'est du lourd aussi (jte parle même pas du reste) - et puis ce n'est pas que je ne lise pas ou que peu les camarades d'atelier, ce n'est pas que je ne veuille pas mais je ne trouve pas le temps, si je me mets à lire le pdf je ne peux pas réagir commentant et il faudrait aller chercher chez l'auteur.e et ça m'agace - pardon demandé hein...et bonne suite
* : je n'oublie personne
** : souviens-toi que tu meurs
Bonheur de se laisser couler dans ce feuilleton (j’y vois, après boost #00, un second épisode flottant — même série ? autre saison ? ou je me trompe ?)
@Christophe Testard : un truc de longue haleine oui tu ne te trompes pas (il y a une autre réponse en portes aussi)… Merci de la lecture en tout cas Christophe