Codicille : c’est avant d’écrire, décrire la terre j’avais son goût sa texture, étais-je la terre embarquée ? oui
ST1
Sur la colline un nuage attend, dans la plaine une rivière une source entre ciel et terre
Où est le bord de la terre alors qu’elle s’envole, s’évade d’une prison en nuages de témérité conçus les trois premiers jours écroué jusqu’à la fin des temps
Débris coquilliers mêlés de silice de mica de feldspath et de gypse
Ventre sans fin elle enfante les racine et la sève grande houle entre équinoxe et solstice élève les branches, flamboyante érection des gardiens du temple
Elle gonfle et s’écrase sous la pluie qui l’avale et la recrache collante pâte d’existence
Tour à tour amante et tombeau, oubli dans le souvenir de la boue, cicatrice fugace
Fouillée, caressée délaissée elle n’a pas besoin de nous, attend elle l’homme une promesse qui ne dit pas son nom ?
ST2
Degrés sans noms d’une profondeur sans fond
Argile qui pétrit, dépétrit empétrit
Les mains tombées ont butiné en sous-sol l’humus sacré, fleurir comme un acte de foi
Prêter l’oreille, dès le deuxième jour les mots se sont défaits pour retrouver la lettre du rien, un vide en neuve partance se frayant un passage ; un filet de souffle redit ce que l’astre a tu…
La lune éclaire tes crapauds cracheurs de feu, la toile d’araignée mille fois défaite et refaite, songe nocturne d’une nuit d’été
Écouter ton lyrisme une musique à inventer gronde déjà, tu chéris, tu enveloppe tu chuchotes et la nuit s’ouvre à l’ardent courant, pureté de l’espace
On parle en terre, en poussière, ce que la terre sait déjà mémoire vivante de ce qui pousse, de ce qui tombe
ST3
Tombé de la terre tombé sur la terre mangé ton odeur avalé tes instants entre les grains, enfoui ma tête vide dans ce terre-plein à plusieurs voies, la brillance de la pluie et des gaz d’échappement glissent sur ce que tu n’es plus
Mastiquer la terre en un baume de soin pour les blessures de la vie, saliver la terre et délivrer l’amour, butiner le monde
Est-ce la terre qui glisse ou les grains de la peau : des sables mouvants enfouissant les rêves d’évasion
Ramper à la rencontre d’un ver de terre onduler comme des hanches à la recherche des plaisirs, pondre des œufs de libellules tombés sur le fil de l’air à la racine des plantes, devenir une naïade une reine de tourbières
Sous les ongles les moisissures d’une champignonade cladosporium, excrétion de miellat
Écouter ton lyrisme une musique à inventer gronde, tu chéris, tu enveloppe tu chuchotes et la nuit s’ouvre à l’ardent courant
Terre-pouls terre-ventre s’allonger sur toi s’y enfoncer te sentir battre
S’agripper à ton corps, enfant sur le dos de sa mère hors d’atteinte d’amères pensées
Sommes-nous toujours là ou retournés en elle ?
ST4
Je la touche elle me tient, petit bout de tout de rien, de vent, d’attente de silences, d’élans d’hésitations de recommencements, en langues anciennes en bruissements de feuilles crépitements d’insectes, elle garde la chaleur du jour l’humidité de la nuit, nourrit les vestiges du temps, témoigne des pas oubliés des espoirs semés, est le lit de mes pensées errantes, berceau de mes instants suspendus, elle résonne de mes doutes, de mes éclats de rire et de mes ombres ; la fluidité d’une danse éphémère dont les traces ne m’appartiennent plus et que mes mains ont saisi les siennes.