pour le moment je ne connais de terre que celle comme une mer où l’on se noie.
un champ visqueux de terre retournée abandonné brun sous un ciel bas. un vaste champ de guerre, de deuxième guerre, un champ de terre de guerre, un champ d’hiver, de courtes vagues noires et brunes que ne ponctue plus aucune écume. grand champ de terre d’une guerre disparue que couvrent aujourd’hui les gravats.
terre de guerre où tu t’enterres
terre où tout s’enferre
imagine, de glaise tu te lèves
ils se lèvent de glaise
zombies de l’espoir de l’histoire vers le soleil couchant
leur clin d’œil jeté vers toi
toi qui spectre le tableau
rappelle la mère rappelle le fils
dis-leur que tu viens
pour le café le gâteau la vaisselle
rappelle le père mort et l’amant ton double
rappelle et dis : voilà, maintenant je suis toute de glaise et levée
au frère tu glisses : j’apprendrai à m’habiller
ce corps de terre
à la mère tu dis de bonne terre à laver
à l’enfant tu dis de bonne terre à jouer
à l’amant tu dis à pétrir à jouir
au ciel à graver à écrire
à la terre à taire
et à l’épouvantail les épouvantaux à parler
terre oh terre pourtant terre encore et encore je m’abreuverai de ton eau, je nourrirai ton champ de bruine
et les syllabes sans orthographe
codicille: essai 1, consigne non respectée. texte qui s’est imposé ce matin, à six heures. il y a encore des choses qui ne me conviennent pas. autre titre possible : enterrement de terre
terre est ton nom, mélancolie
ton champ de guerre
j’ai abandonné ce qui avait trait aux références et aux « explications » : mélancolie plutôt que deuil
je dois revoir la consigne, lire tarkos, comprendre les 3 strates, si j’y arrive, je propose autre chose
j(‘ai une illustration en tête, idem pour le 00, à dessiner avant que je ne l’oublie)
Peu importe la consigne, ce texte est vraiment vivant
merci rebecca! je n’ai pas encore bien saisi le truc des 3 strates, faut que je m’imprègne, que je lise tarkos, les autres… j’espère bien qu’un nouveau truc viendra. et toi, tu ne participes pas ?
Oui, je participe !!
d’accord, mais je vois pas de lien sur ton nom !
Ha je ne sais pas… mais ici sont mes publications : https://www.tierslivre.net/ateliers/author/rebecca-armstrong/
C ‘est un très beau texte. le rapprochement terre de guerre est très interessant. il y aurait tellement à dire … »un vaste champ de guerre, de deuxième guerre, un champ de terre de guerre, un champ d’hiver, de courtes vagues noires et brunes que ne ponctue plus aucune écume. grand champ de terre d’une guerre disparue que couvrent aujourd’hui les gravats. » rien que pour ça , Ça valait le coup de l ‘écrire ce matin!
merci carole.
la première phrase m’a réveillée. dans la deuxième, que vous citez, je retrouvais un tableau, puis un poème. une fois levée, un travail s’est fait, important pour moi, au départ d’une réflexion de pierre delain sur le lien kiefer/celan, sur le deuil et la mélancolie. réflexion qui m’a permis de tenter l’écriture d’un écart. passer de la mélancolie au deuil.
« Pour Freud, la mélancolie est l’échec du deuil. Le sujet s’identifie avec l’objet perdu [plutôt que d’y renoncer]. Le travail interminable de Kiefer ne correspond-il pas à une sorte de mélancolie? Le fait qu’il produise des oeuvres et qu’il puisse se conduire en artiste montre que dans une certaine mesure, ce n’est pas le cas. Son deuil réussit, comme le montre le fait que son art change profondément dans les années 1990. »
https://www.idixa.net/Pixa/pagixa-0706032344.html
autrement dit, je n’ai pas écrit grand chose moi-même…
ah on dirait que la terre nous secoue des horreurs communes, de la guerre à l’exil, mais c’est tellement oppressant en ce moment ! « comme une mer où l’on se noie »…
La mélancolie oui, une rage interminable conserve et attaque sans fin l’objet
ingéré comme la pire des indignités.
Oui, j’ai trouvé que c’était bien vu de la part de Pierre Delain, cette interrogation sur le travail de Kiefer.
Intéressante aussi l’idée qu’il se soit « approprié » la culture juive :
« »Quand, dans la proposition, je choisis ce mot, « s’emparer », que n’emploie pas Daniel Arasse, j’insinue l’idée qu’il y aurait de la part de Kiefer une certaine violence, comme s’il avait voulu réintégrer de force dans la culture allemande une problématique qui lui est étrangère, ou, pire, comme s’il avait voulu s’approprier les figures d’une tradition dont il ignorerait l’altérité absolue. »
Même si j’ai l’idée qu’on ne choisit pas toujours ses identifications ou ses « réappropriations ». Mais j’aime l’idée que Delain voie un bougé dans le postionnement de Kiefer, qui arrête pendant deux ans de peindre et revient avec un travail appaisé, comme si, dit-il, quelque chose d’un deuil avait pu, au travers de son travail, de l’épreuve de son travail, s’accomplir.
bon….