# BOOST #005 – L’avant du cri.

Je suis dans l’avant du cri,

Pas même encore le son, juste le mutisme, le faire silence, le murmure de l’incompréhension.

Je suis dans l’avant du cri.

Dans le souffle emmêlé du cordon de l’intestin grêle, dans le soupir tordu de l’appendice, dans le gémissement enroulé du cordon, dans le grondement du foie et de l’estomac.

Je suis dans l’avant du cri.

Etat crépusculaire, perdu, égarement dans les détails de l’anatomie, balbutiement tenu en suspens, déséquilibré et proche du cœur battant.

Je suis dans l’avant du cri, qui ronge son frein, qui se tient sur des charbons ardents, qui s’accroche aux veines bleutées, trajectoires rouge sang sous la pâleur des vampires humanoïdes.

Croassement du cri qui se cherche une sortie.

Mes pieds martèlent la terre endurcie, secousse de ma carcasse crispée.

Tremblez mollets, tibias, cuisses, jambes, péronés. Tremblez fesses, ventre, hanche, sexe. Tremblez bras, mains, coudes, aisselles et ongles déchirés.


La plainte s’éveille, atteint la gorge, brûle les amygdales, cogne contre l’émail, lettres et syllabes enchevêtrées, creusent leurs stries dans les gencives faibles, défaisant, une à une, tous les ponts de l’articulation.

Ça chatouille, Ça grince, Ça rugit dans les brancards.

Dois-je me retenir de ? Dois-je m’empêcher de ? Dois-je m’arrêter à ?

Ça pousse, Ça grogne, Ça hurle,

Mes joues se gonflent sous la pression.
Apnée du rêve ou du réel ? Suis-je en éveil ou en sommeil ? Mes yeux injectés virent au violacé, Mes tempes explosent et se déchirent en fines lamelles de chair en lambeaux.

Je suis dans l’avant du cri,

J’écarte grandes mes lèvres agitées et éructe, gueule, vocifère le tapage, le délire, l’égarement, claque pareille à une déflagration, frappe coup de tonnerre dans le ciel-grisaille, rauque et puissant, le cri bruisse, éclate, provoquant les premières pluies, et sous le ciel orageux, sous la goutte qui mouille, sous le corps apaisé, le cri chante et disparaît.

A propos de Clarence Massiani

J'entre au théâtre dès l'adolescence afin de me donner la parole et dire celle des autres. Je m'aventure au cinéma et à la télévision puis explore l'art de la narration et du collectage de la parole- Depuis 25 ans, je donne corps et voix à tous ces mots à travers des performances, spectacles et écritures littéraires. Publie dans la revue Nectart N°11 en juin 2020 : "l'art de collecter la parole et de rendre visible les invisibles" voir : Cairn, Nectart et son site clarencemassiani.com.

23 commentaires à propos de “# BOOST #005 – L’avant du cri.”

      • Je confirme, belle montée en tension… et ce « Dois-je me retenir de ? Dois-je m’empêcher de ? Dois-je m’arrêter à ? » qui interpelle, questionne d’une certaine manière le rapport à l’autre et le ‘bien faire’ (politesse, prendre sur soi…) de notre société. J’aime aussi la présence des couleurs, et ce cri qui chante avant de disparaître.

  1. (après le tumulte, j’ai enfin un peu de temps pour découvrir les cris de chacun, et j’ai cherché le tien…)
    et comme c’est beau cette montée du cri, irréversible, incontournable, j’aime son explosion dans le dernier paragraphe sous le ciel orageux avec sa capacité à faire éclater la pluie…. cri rituel, cri délivrance…
    merci à toi Clarence

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