Je suis dans l’avant du cri,
Pas même encore le son, juste le mutisme, le faire silence, le murmure de l’incompréhension.
Je suis dans l’avant du cri.
Dans le souffle emmêlé du cordon de l’intestin grêle, dans le soupir tordu de l’appendice, dans le gémissement enroulé du cordon, dans le grondement du foie et de l’estomac.
Je suis dans l’avant du cri.
Etat crépusculaire, perdu, égarement dans les détails de l’anatomie, balbutiement tenu en suspens, déséquilibré et proche du cœur battant.
Je suis dans l’avant du cri, qui ronge son frein, qui se tient sur des charbons ardents, qui s’accroche aux veines bleutées, trajectoires rouge sang sous la pâleur des vampires humanoïdes.
Croassement du cri qui se cherche une sortie.
Mes pieds martèlent la terre endurcie, secousse de ma carcasse crispée.
Tremblez mollets, tibias, cuisses, jambes, péronés. Tremblez fesses, ventre, hanche, sexe. Tremblez bras, mains, coudes, aisselles et ongles déchirés.
La plainte s’éveille, atteint la gorge, brûle les amygdales, cogne contre l’émail, lettres et syllabes enchevêtrées, creusent leurs stries dans les gencives faibles, défaisant, une à une, tous les ponts de l’articulation.
Ça chatouille, Ça grince, Ça rugit dans les brancards.
Dois-je me retenir de ? Dois-je m’empêcher de ? Dois-je m’arrêter à ?
Ça pousse, Ça grogne, Ça hurle,
Mes joues se gonflent sous la pression.
Apnée du rêve ou du réel ? Suis-je en éveil ou en sommeil ? Mes yeux injectés virent au violacé, Mes tempes explosent et se déchirent en fines lamelles de chair en lambeaux.
Je suis dans l’avant du cri,
J’écarte grandes mes lèvres agitées et éructe, gueule, vocifère le tapage, le délire, l’égarement, claque pareille à une déflagration, frappe coup de tonnerre dans le ciel-grisaille, rauque et puissant, le cri bruisse, éclate, provoquant les premières pluies, et sous le ciel orageux, sous la goutte qui mouille, sous le corps apaisé, le cri chante et disparaît.
on sent que ça monte
Merci pour la lecture, bonne journée.
Bravo, je ne peux m’empêcher de lire ton texte à haute voix , il embarque.
Merci beaucoup Laurent, bien à toi.
oui, force et le corps tellement là dans tes textes
C’est souvent grâce à toi que j’en prends conscience Nathalie, merci de ton regard.
Clarence je poste ici pour toi cette poésie de Jacques Prévert dite par Serge Reggiani :
https://www.youtube.com/watch?v=cbfaXGwTlVg
bonne suite à toi
C’est en larmes que je te remercie pour ce texte que je connais si bien mais que je n’avais jamais entendu, merci Piero, merci tellement.
Vive admiration pour ton texte, sa montée en puissance, ce leitmotiv qui en accentue la force. Merci Clarence
Merci Marie de tes mots, douce journée.
Cette montée est puissante, de l ‘avant du cri à l ‘explosion!
Ce texte donne envie de le lire à voix haute, tellement il est intense, Merci Clarence
Carole, ma fidèle lectrice, merci et à très bientôt.
Je confirme, belle montée en tension… et ce « Dois-je me retenir de ? Dois-je m’empêcher de ? Dois-je m’arrêter à ? » qui interpelle, questionne d’une certaine manière le rapport à l’autre et le ‘bien faire’ (politesse, prendre sur soi…) de notre société. J’aime aussi la présence des couleurs, et ce cri qui chante avant de disparaître.
Vertigineuse la course d’élan et belle la fin, le cri chante et disparaît. Merci
Merci chère Juliette, bien à toi.
Je lis sans respirer, je suis dans l’avant du cri. Je me laisse envahir et monte en moi le sang jusqu’à la tête. Ton texte est finement construit et j’adore. Merci Clarence.
J’ai adoré le tien de ce matin, je te l’ai dit et merci pour ta lecture.
.. le chant du cri….voilà un magnifique titre pour un livre! merci pour cette traversée intérieure, cette poussée! Bravo !
Merci Eve, le cri, le chant, ce qui relie, belle journée.
(après le tumulte, j’ai enfin un peu de temps pour découvrir les cris de chacun, et j’ai cherché le tien…)
et comme c’est beau cette montée du cri, irréversible, incontournable, j’aime son explosion dans le dernier paragraphe sous le ciel orageux avec sa capacité à faire éclater la pluie…. cri rituel, cri délivrance…
merci à toi Clarence
Baisers doux Françoise, je t’ai lu ce matin et c’était bien.
Tu nous embarques. J’aime beaucoup que finalement le cri chante.
Cela m’a étonnée moi aussi qu’il se transforme ainsi. Merci pour ta lecture Perle à bientôt.