41°84’96.5’’ N 12°45’25.1’’E (merci à Ugo pour les coordonnées)
la porte s’ouvrira et tous les deux nous les verrons assis à l’avant de l’auto, tous les deux, là, et la rue devant eux, les palmiers, le ciel bleu au sortir du garage – mais eux, ils ne verront rien – rien sinon la fin du monde – sous le plaid : « allongez-vous Président, couvrez-vous » – les choses qui n’ont pas pu ne pas avoir eu lieu : la 4L était une voiture volée mais elle était rouge, le contact avec les fils, les mains qui cherchent les fils, six heures et demie le matin en mai il fait jour – oui sous la couverture oui – la porte du garage qui s’ouvrira, les palmiers sur la rue, le ciel bleu toute la vie ô Suzy – l’odeur de la poudre et du sang mais qui conduit ? Bruno (non, ce n’est pas Bruno) ou Mario ? Pas Mario non plus – lui, Mario, il est là, ça vient d’avoir lieu, la nuit, blanche, qui précède, c’est lui comme tous les autres, comme toutes les autres, eux, ces combattants peu aguerris, tous et toutes croiser une voiture de police, le cœur qui vous bat et qui ne bondit plus – si seulement ça pouvait se terminer là – il a ouvert sa fenêtre, une fenêtre dont les vitres glissent sans descendre, l’une sur l’autre, jamais complètement ouvertes, un peu d’air – continuer continuer, passer les vitesses, continuer l’embrayage, les feux c’est comme ça que ça va se passer, comme ça on suivra la route on suivra encore – il est là, assis, la voiture est rouge, les fils électriques pendent, l’autre tendu aussi – lui, et lui qui n’est plus, là derrière – tout ce monde, tout ce monde là est responsable, oui, la route longera le Tibre longuement, il est là, l’autre conduira et lui, là, assis, attendant que la route se passe, que le monde tourne – il est là – à quoi tu penses ? il regarde son pantalon, il regarde ses jambes, ses pieds, ses mains, ces mains-là dehors les arbres et le ciel bleu – c’est un mardi, un mardi comme tous les mardis du monde, et il n’a pas pu en être autrement, il a bien essayé mais non, c’est le matin, les rues et la Magliana sera encore assez vide, il est tôt et le monde bouge et bougera et les rues commenceront à s’animer – le samedi aussi sera un autre bout du monde, personne d’entre eux ne viendra le mettre en terre, dire qu’il est mort, dire qu’on l’a tué, dire mais non, pas un de ses « amis » loin d’ici, mais personne il ne voulait personne de ce personnel politique personne non – le monde, oui, les gens eux viendront, la petite ville, peut-être mais les autres, là, non – aller, aller au bout des choses et du monde c’en est fait, l’un des commandements violé – toute la vie toute la vie porter sur soi cet acte toutes les nuits rentrer en prison ça va faire cinquante ans est-ce assez payé ? Non. Il ne le sait pas, ça. Il est là, assis à l’avant de cette voiture rouge, les fils une étincelle, le moteur qui tourne, la fenêtre ouverte et la porte du garage qui s’ouvre, les palmiers, le ciel bleu, le matin, comme tous les matins, on prendra à gauche, là un arrêt d’autobus et peut-être quelqu’un qui promène son chien. Les images qu’on a de lui dans le film, les quatre cartes postales posées sur le rebord d’une étagère, les murs blancs, les souvenirs : où est-ce ? en tout cas des portraits – lui, l’autre là, vivant pourtant tout à l’heure, ils l’abandonneront et chacun partira de son côté – on n’oubliera pas, sans doute, on se souviendra, quelqu’un quelque part, parce que ça ne peut pas se taire ni s’oublier, quelqu’un en parlera certainement mais ça n’a aucune importance, voilà des semaines que ça ne cesse pas de parler, de parler encore et de parler mais pour quoi faire ? Rien. Rien. Pour dire quoi ? Rien. Rien gagné, pour personne rien – une défaite, pour tout le monde, le monde entier a perdu ce monde-là, celui du feu, des armes et de la mort, là, comme si de rien n’était, on en étouffe le bruit, on cache le regard sous un plaid écossais, un type qui prie, un vieux mec vêtu d’un costume foncé, une chemise claire, un type recroquevillé là, en dessous, voilà, quelques bruits sur le sol, du métal qui tombe, on ferme la porte du coffre, les doigts qui cherchent les fils électriques, l’étincelle quelque chose qui fait que le moteur commence à tourner, plus loin au fond du garage la porte qui s’ouvre, les pieds qui font agir les pédales, penser à desserrer le frein à main, non tout se fait tout seul accélérer doucement lever le pied gauche, des automatismes et la voiture qui bouge qui avance qui tourne la porte qui s’ouvre sur le matin clair et beau, le ciel bleu au fond, là-bas les troncs des palmiers des pins des eucalyptus derrière des grillages verts, un parc vide et de l’herbe verte et sous le plaid écossais, dans le coffre
quel bout du monde choisir Montalcini ou Boutiques Obscures ? (Caetani plutôt mais comme à Villeneuve-Saint-Georges (mutatis mutandis) c’est le pci qui déconne) (c’était, par ailleurs et sans vouloir créer de parallèle obtuse la même chose en mai 68 – merci qui ? merci Lénine je suppose) –
Merci Piero pour la mémoire qui remue les couteaux dans les plaies.
(en tout cas merci encore pour les coordonnées Ugo) et merci de la lecture (je ne tiens pas à blesser cependant…)
« le cœur qui vous bat » quand on te lit, Piero
et sans me poser de question, je fonce dans la voiture rouge avec les fils qui pendent et je me demande dans quel bout du monde italien je me retrouve dans le film
le travail est de longue haleine – j’essaye de tenir la ligne… Merci de ta lecture Françoise (ça aide, et donne du courage…)
Je sens tellement de culture en toi lorsque je te lis Piero, des références que je ne saisis pas toujours mais j’aime tes mots qui parfois me perdent aussi. Et j’adore que tu remercies Hugo pour les coordonnées parce que j’ai eu beau tourner et chercher sur Google Earth, je n’ai pas su les trouver, je vais finir par être complètement Has been ! Bonne soirée.
je n’ai pas l’intention de te perdre, Clarence tsais, ni toi ni quiconque me fait l’honneur de lire mes textes… parfois j’élucubre aussi (pour Ugo, j’ai réitéré… :°)) Merci de ta lecture et bon courage pour la suite…
Bonjour Clarence
Par ici
https://maps.app.goo.gl/wXGgzCa6YT13s6ZN8
d’entrée dans un film (que j’imagine politico-) noir (n’ai pas la ref…) : haletant, merci! pour la plongée
@Christophe Testard :Merci à toi (ah oui: la ref… affaire de longue haleine : tu pourrais commencer par là ça te donnera une idée… Merci encore
si le bout du monde est un mouvement (on est au bout du monde)
@Nathalie Holt : en vrai,un champ et un contre-champ… Merci à toi Nathalie
quelqu’un quelque part, parce que ça ne peut pas se taire ni s’oublier, quelqu’un en parlera certainement
@Brigitte Célerier : Oui. Merci à vous Brigitte infiniment