Dans mon bout du monde, il y a des gamins qui jouent à la balançoire entre la façade arrière d’un Lidl et celui d’un fast-food, non loin d’une bibliothèque, d’un Mercure Hôtel et d’un Emmaüs. C’est Belsunce. La nuit, fenêtre ouverte, t’entends parfois gueuler les paumés de la vie. Et puis, une manifestation pour soutenir la Palestine, plein jour. Ça gueulait aussi. Les dirigeants entendent-ils ? Dans mon bout du monde, il y a d’autres gamins qui jouent au football à côté de l’Hôtel de Ville. Ça crie victoire, défaite, ça s’agite. Dans mon bout du monde, il y a des marchands avec leur vélo cargo installés sur le Vieux-Port. Tu te demandes si c’est pour boucler la fin du mois, si ça complète le Smic. Combien se font-ils à l’heure ? En remontant la Canebière, un kiosque à journaux – tu savais pas que ça existait encore. Et puis tu vas vers Noailles, c’est marché tous les jours, ça se bouscule, fruits et légumes pas chers, et des étals devant les commerces des rues autour. T’es ailleurs, où ? Il y a aussi des vendeurs à la sauvette, cigarettes etc. – tu fais comme si t’avais pas vu. Dans mon bout du monde, les vieilles façades, les vieilles rues cohabitent avec les bâtiments modernes, les rues clinquantes, la propreté avec la saleté, les tags, les rats, le bitume abîmé. D’une rue à l’autre, t’es bousculé dans tes repères, ceux que t’as et que tu perds soudain, ceux que tu cherches. Tu te raccroches à la sonnerie du tram, jamais très loin. Comme la mer, elle serpente la ville, salue, surveille. Dans mon bout du monde il y a aussi des marchands avec leur vélo cargo installés en haut de la plage des Catalans alors qu’en bas ça fait une partie de volley-ball, ça pique-nique, ça lit, ça critique le monde. Fracture. Dans mon bout du monde, il y a encore des gamins, ils s’amusent à sauter dans l’eau froide, t’es cap’ pas cap’ ?, plage du Prado – c’est jour d’école, que font-ils là ? Les vagues viennent s’écraser au bord du sable dans un bruit qui gronde. Ce serait presque rassurant, un père, une mère, ta mémoire. Et le bleu du ciel qui se confond à celui de l’eau comme pour se cacher, je t’ai vu tu sais ! Tu remontes parc Borely, encore des gamins, des vélos, de la crème glacée, des doudous, des pleurs… Le ciel devient gris. Tu t’échappes, jardin botanique, tu y trouves le calme qu’il n’y a nulle part ailleurs dans la ville. Tu te perds, observes les arbres, les plantes. Leurs formes, leurs couleurs, leurs lignes, leur mouvement, leur posture – lesquels se résignent, lesquels s’affirment ? Il y aurait tant à dire, mais comment dire ? Dans mon bout du monde, tu aimes aussi prendre de la hauteur, gare Saint-Charles, Cours Julien, Notre-Dame de la Garde, palais du Pharo… quête de vertige, c’est ta dose d’adrénaline.
8 commentaires à propos de “#boost #00 | Latitude : 43.294609 – Longitude : 5.375102, octobre 2024”
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Merci beaucoup pour votre texte Annick, c’est très beau. Et j’ai traversé avec vous tous ces endroits de Marseille que je connais. Bonne journée.
Merci Clarence.
Vous avez visité Marseille ? Vous y vivez ?
Il y a quelques jours, j’ai laissé un mot à propos de votre texte, que j’ai beaucoup aimé, sous le PDF.
Passez une agréable fin de semaine.
« Dans mon bout du monde » pareil à une litanie
et je dirai même, comme une chanson… je l’ai entendue !
merci Annick pour ce lent panoramique sensible en « quête de vertige »
Merci pour ta présence, ta lecture.
Je viens te lire avant dimanche.
Belle fin de semaine.
Comme ça vit
Merci Nathalie.
C’est chouette de se retrouver ici pour l’atelier.
Il y a quelques jours, j’ai laissé un mot à propos de ton texte sous le PDF. Je passe lire ton second texte avant dimanche.
Belle journée.
Coucou à nouveau
Beaucoup aimé lire ton texte Une vie foisonnante , un peu comme un millefeuille, tu déplies … Des observations, une déclinaison minutieuse et questionnée . Le monde comme il va aujourd’hui.
Et puis très contente de te retrouver ici et retrouver cette belle écriture qui est la tienne .
Bon WE à toi
Merci Annick pour tes mots, ça me touche. Je sens qu’on va avoir matière à déplier de plus en plus au fil des semaines. Ravie de faire ce bout de chemin ensemble. Bises. Et bon week-end à toi aussi.