# boost #00 | 46.14113,-1.05612 l’arbre

Une piste ovale, des bolides à pédales lancés à pleine vitesse. Parfois la roue mord l’herbe du bas-côté ; le bolide fait un tour sur lui-même et repart; parfois il se retourne et c’est la chute. Soleil d’août, la piste fond ; l’odeur de bitume chauffée à blanc, celle de chlore de la piscine, juste derrière la haie, où l’on fait des longueurs en apnée – boucles et aller-retour. Tout ne fait que se répéter, l’eau bleue aux ocelles de chaleur, les courses sur piste ou dans l’eau, les siestes avec les albums, le sirop de grenade sans colorant presque transparent du quatre-heures avec les biscuits de marque diététiques au goût fade. Pas de grenadine rouge bonbon comme chez nous, ni de Mars. Ici Mars c’est le nom d’un dieu et celui d’une planète dit notre hôtesse, la mère de l’amie de notre mère qui nous accueille au mois d’août avec ses petits fils – on doit comme eux l’appeler Grand-mère. Le soir à Clavette on mange de la caillebotte ; c’est du lait caillé avec de la présure ; sous le torchon de lin dans un saladier de terre elle gélifie, on dirait la pleine lune tombée dans l’eau . Hier la chatte avait mis bas ses petits aussitôt disparus au fond d’un sac ; hier une hirondelle avait heurté la baie de la maison des invités – pas de lamelles plastiques pour signaler la vitre , ce serait laid, avait dit Grand-Mère –, plus tard il y aurait un mobile de clochettes qui tinteraient jour et nuit, puis plus. Ici les oiseaux morts se ramassent à la pelle et les enterrements se répètent. Il y a des silences, il y des choses qu’on terre et le rire tonitruant de Grand-Mère. Grand-Mère rit, gronde et tonne, elle a des orages ; elle vit avec une autre femme qui a des cheveux blancs de neige qu’on appelle marraine. Viennent les ombres de cinq heures, tout reprend des couleurs, nos peaux ont bruni. c’est l’heure de la transhumance, s’échapper enfin, quitter l’enceinte : nous serons des indiens. Sac au dos, gourde, corde, couteau, traverser la piste de kart; par le chemin de craie longer le champ jaune, la fleur de colza pue le chou et la pâquerette n’a pas d’odeur; ronces de mûres dures, cailloux couleur framboise ; un lapin gît aplati. Un champ de céréales. Un autre en jachère. On voit toujours aussi loin. Tout est plat ici, le ciel est plus grand que la terre. Bientôt on va toucher le bout du monde. Le bout c’est le vieil arbre à peau d’éléphant dans sa verticalité solitaire qui a plus de bras que Vishnou, il tend ses branches toujours vertes. Qui montera le plus haut ?

A propos de Nathalie Holt

A commencé en peinture, a vécu de théâtre et d’opéra, des années de scénographie plus tard ne photographie pas que son lit, tient son journal en images, écrit et marche chaque jour a publié un peu pour aller au bout d’un geste ( Ils tombaient ) ( Averses) https://www.amazon.fr/stores/author/B09LD7R2KY . Écrit pour lire.

12 commentaires à propos de “# boost #00 | 46.14113,-1.05612 l’arbre”

  1. J’aime les textes qui parlent de l’enfance, des petites choses du quotidien. Et comme tu mets le tout en valeur. Tu nous emportes avec ta façon singulière de dire, raconter. Et puis Grand-Mère ! Et ces images, fortes : ‘on dirait la pleine lune tombée dans l’eau’, ‘les oiseaux morts se ramassent à la pelle et les enterrements se répètent’. Merci.

  2. J’aime les textes qui parlent de l’enfance, des petites choses du quotidien. Et comme tu mets le tout en valeur. Tu nous emportes avec ta façon singulière de dire, raconter. Et puis Grand-Mère ! Et ces images, fortes : ‘on dirait la pleine lune tombée dans l’eau’, ‘les oiseaux morts se ramassent à la pelle et les enterrements se répètent’. Merci.

Laisser un commentaire