A cause de la couleur bleu marine de l’uniforme, 35 filles en rang serré sur la photo de classe, presque les mêmes. Même jupe plissée bleue marine, même chemisier blanc sous le pull à manche court, même socquettes blanches, il faisait chaud, la rentrée ne devait pas être loin ou était ce déjà le début de l’été ? Visages face au photographe – Sourires affichés, bouches fermées, queue de cheval ou coupe au carré, fillettes polies et bien élevées, le bleu marine fait bloc, « sage comme une image » était l’expression consacrée à laquelle nous devions coller… au premier rang, elles sont assises genoux serrés, mains croisées sur les genoux, les deux rangs derrière, debout en rang serré, droite, les bras le long du corps, chacune pose. Toutes pareilles, sans bouger !
Mais il y a celle assise, campée sur ses deux pieds, les deux mains posées sur chaque cuisse, elle affiche un air déterminé, celle dont le regard rêveur est tourné vers un ailleurs, quelques sourires spontanés, mais surtout il y a la cour de récréation, lieu du mouvement, du lâché prise, de la joie, du plaisir de jouer et de se retrouver dehors : Sauter à la corde à plusieurs, une grande corde tenue à chaque extrémité par une fille et au milieu celle qui saute, se loupe et laisse sa place à la suivante, l’une après l’autre, devenir agile, souple et avoir la sensation de voler
Dessiner une marelle au sol, à la craie blanche, lancer la pierre et sauter par dessus chaque case à cloche pied, avancer jusqu’au ciel sans tomber
Jouer à l’élastique, réussir les figures imposés, sauter toujours plus haut, du bas des chevilles au haut des cuisses, la difficulté grandissait
« Je joue à la balle – Contre la muraille – Un peu plus haut, je casse un carreau – Un peu plus bas, je tue mon petit chat… les comptines qui permettaient de proclamer les gestes interdits laissant fuser le rire, la bouche ouverte, le son présent dans cet éclat de rire partagé.