Devant la porte de la cabane, il hésite quelques instants avant de saisir la poignée. La porte résiste un peu et finit par s’ouvrir dans un grincement. C’est un vrai merdier là-dedans. Un matelas par terre sur lequel se trouvent trois vieilles couvertures en laine, une gazinière portable à deux feux posé sur un plan de travail étroit grossièrement bricolé, une petite table, quatre jerrycans d’eau, des piles de livre le long des murs, un amoncellement de vaisselle sale, un coffre, de nombreux sacs poubelle pleins. Il reste un moment à observer chaque chose. Puis il se décide à soulever un des jerrycans, et verse de l’eau dans l’évier. Il commence à laver les assiettes, les verres, les tasses, ça l’apaise peu à peu. Sa respiration se calme. Il trouve un torchon à peu près propre, essuie méticuleusement et au fur et à mesure, les couverts, les assiettes, les bols, les tasses. Il les dispose précautionneusement sur la table.
En réalité, il n’a plus la moindre idée de ce qui l’a fait courir comme ça pour arriver jusqu’ici. Mais il ne l’a pas encore vraiment réalisé. Il est toujours habité par cette urgence, cette inquiétude sans objet. Il sait et sent le danger de cette pensée qui flotte. Ça vient à lui, progressivement, comme par en-dessous. Il sait cette histoire de maison jaune, de cabane, de ce qu’on lui avait dit, qu’il faudra aller là, le chemin pour y aller. Il sait cela mais ne sait plus le pourquoi. Ce qu’il ne sait pas, c’est comment parfois le cerveau se retourne comme une crêpe, comment les pôles s’inversent, comment la géographie intérieure peut être mouvante. Comme tout cela est fragile, il l’ignore. Pour l’instant, il essuie les bols avec application et ça lui permet de faire quelque chose plutôt que rien.
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