De jour
Ouvert
Aux Vents
Mais vide
Poussière
Soleil
Sans ombre :
Fantôme
Pas un garde
Pas un son
Fors le vent
Dans ces rues
Inventées
Il chuchote
Sur les traces
Oubliées
La nuit d’avant
Par une foule
— Un vantail claque —
Inconcevable
Dans ce désert
Brûlé à l’os
Foulant ce sol
De cartilage
Une étoile pique
Le ciel violet
Les marchands se montrent
Les commis les suivent
Et les vas-y-dire
Les rideaux de fer
Les stores de bois
Grincent dans le soir
À la première flamme
Vacillante en sa lampe
Le Marché s’illumine
Attirant en nuées
Des villages tout proches
Et du bout de la terre
Les zélés serviteurs
Les riches mandataires
Les curieux des deux bords
Comme les vieux initiés
Les intrigantes madrées
Les apprenties-sorcières
Les joueurs, les éperdus
Les acheteuses pourvues
Les truands des mauvais lieux
La Guilde des Amazones
La lune baigne leur cohue
Crânes tatoués, nattes rousses
Lourd turbans, voilettes opaques
Feutres de banquier, de gangster
Tresses bleu-noir des guerriers
Chignons flous à pique argentée
Coiffe de cuir, cercle de cuivre
Bouquets pâlis et vénéneux
Bien plus libre l’or entre eux circule
Étincelle des poignées de mains
Gant de velours et paume rugueuse
Longs doigts agiles, serre rapaces
Patte velue, menotte en dentelle
Pince ossue et mitaine crasseuse
Toutes topent là où tout se tope
Dans les vitrines, sur les castelets
Écartant la foule, on voit son reflet
Mais nu, enchaîné, caparaçonné
Un animal bon à montrer ses dents
Peu nombreux sont ceux qui le reconnaissent
Moins encore s’en portent acquéreur
Libérer son frère : mauvaise affaire !
Les mains se lèvent, les chiffres se hurlent
L’enchère frappe le bétail humain
Luisant d’huile et de verroterie
Un grand corps est plongé dans la presse
Ses chevilles entravées le blessent
Aveugle, il se cogne dans les soies
Les laines rêches, les cuirs étranges
Leurs parfums, leurs sueurs et leurs voix
Tout en paradant, son nouveau maître
Étrangle le bien tant convoité
De discrètes transactions
De la bouche à l’oreille courent
Recouvertes par le chahut
Un chiffre, un signe, une accolade
Pas d’or ici, mais un secret
Qui fraye un chemin invisible
Pour un géant et deux compagnes
Entre les corps compacts, grégaires
Dans la poussière un cercle
Au centre on vend tout par paires
Jumeaux et parfaits contraires
Sosies et contrefaçons
Telle mère et telle fille
Sang d’un même groupe rare
Fascinés ou maniaques
Les yeux grands tournent autour
Aux arrières-boutiques
On trouve un peu de paix
Mais toujours la rumeur
Endiablée des enchères
Traverse les murs minces
Frémit dans l’eau du thé
L’or seul est insensible
Et se laisse compter
Le ciel s’édulcore
Les flammes tremblantes
Meurent une à une
Des criailleries
Ou des coups de feu
Signent ulcérés
Les ventes manquées
Le labyrinthe
Tracé au sable
Bientôt s’efface
Les attardés
Cherchent la porte
Sur le repos
Toutes sont closes
Et les lieux, vides
Tâches noires
Aux confins
Caravanes
Dispersées
Possesseurs
Possession
Possédés
Disparaissent
À l’aube
Le gris
Ravale
La place
Déserte
Perdue
Menteuse
Belle idée dans la forme. Parfaite évocation du lieu et de la foule. On ne s’attend pas au marché d’esclaves. Le texte n’en est que plus fort. Ca a des airs d’Orientales mais ce pourrait être beaucoup plus universel.
Plagiat des Djinns en forme d’hommage. Au fur et à mesure, je me suis dit effectivement qu’on pourrait toucher à quelque chose de plus intemporel ( hélas ). Du coup, la forme est devenue très frustrante : je me suis demandé comment l’augmenter, sans arriver à me décider pour l’heure. Multiplier la forme ( un recueil de 8 textes sur ce même mode, sort de strophe carrée moderne ) ? Reprendre chaque strophe en incipit d’un texte la développant en prose ou la dupliquant dans sa versification jusqu’à épuisement ?… Bref, de la bonne matière à réflexion, merci pour les vôtres.
Fascinant ! Par la forme surprise j’ai failli passer mais le rythme était déjà sur ma langue. Et je n’ai plus eu qu’à le suivre et passionnant ce tableau cette histoire. Merci.
Je suis bien heureuse que cette forme vous ait haranguée.