Je suis plus sensible aux silhouettes et aux démarches qu’aux visages. Au point souvent de prendre une personne pour une autre, ayant cru la reconnaître à sa silhouette ou à sa démarche. Une silhouette, le port de tête, la tenue des épaules, la souplesse du tomber des bras, la courbure du dos, la longueur des jambes, la mobilité des hanches, l’impression générale de maigreur ou d’embonpoint. Pareil pour la démarche, lente ou rapide, sautillante, traînante, rigide, enlevée ou lourde, pesante, mal dégrossie, pataude, spontanée ou étudiée. Une belle silhouette et une démarche en rapport, c’est important. Il existe toujours des cours de maintien et de bonnes manières, plutôt destinés aux mannequins (dès six ans) mais pas seulement. On peut aussi tenter les cours de gym, de yoga, de Qi Qong. Certaines personnes gardent la même silhouette toute leur vie, celles dont on dit qu’elles ont toujours leur silhouette de jeune fille ou de jeune homme. D’autres s’alourdissent, s’appesantissent, se ralentissent, se désorganisent, hésitent, trébuchent,. J’admire la marche désordonnée des tous jeunes enfants, toujours à la limite du déséquilibre et dont les chutes ne sont pas rares. J’aime la marche prudente et précautionneuse des très vieilles personnes, toujours préoccupées de leur équilibre et qui savent les dangers d’une chute. J’envie les animaux à quatre pattes, les oiseaux ou les poissons qui ne connaissent pas ces soucis. Se tenir sur deux jambes est la source de bien des problèmes. Après une chute sévère où elle ne s’était rien cassé, ni bras ni jambe, ni col du fémur ou clavicule, pas plus que vertèbre, poignet, genou ou cheville, ma mère n’a plus jamais voulu remarcher. Cannes et déambulateurs lui étaient insupportables. La kinésithérapeute a renoncé devant sa mauvaise volonté. Ma mère a choisi dès lors de ne plus se présenter qu’en fauteuil roulant, ce qui lui conservait, il faut bien le reconnaître, une certaine majesté dans l’allure. À défaut de mobilité. Je crois qu’elle appréciait d’être poussée, tractée, et de diriger de la voix sa progression. Bien avant elle avait aussi renoncé à monter à bicyclette. De grande marcheuse, randonneuse intrépide, cycliste experte, elle avait renoncé à tout, plutôt que de déchoir. « Elle a honte » disait mon père. Je le reprochais à ma mère, mais aujourd’hui je la comprends, une belle allure c’est important.
De la personnalité de mère en fille… 😉
Sûrement …et pourtant ! Je venais de lire ton Léon Blum et au lieu de commenter j’ai écrit.
Cheminement depuis la silhouette jusqu’à l’incarnation
Touchée par ce texte car je connais la chute et l’événement fracture qui réclame par la suite de reconquérir un territoire, plus ou moins vaste, qui réclame de revivre…
Merci Françoise. Oui, la chute qui fait déchoir. Je ne porte plus que des chaussures plates pour garder un bon ancrage au sol.