1.
Elle se fait appeler la Belle Hélène. Elle aime raconter ses péripéties autour du bassin méditerranéen quand elle offrait son corps aux militaires dans les bordels de campagne. Elle a travaillé dur, économisé, un joli magot, elle a pu acheter un hôtel au Panier à Marseille. L’hôtel était de passe. Les mœurs, le fisc lui sont tombés dessus, ont tout raflé. Une vie de travail et d’épargne pour assurer ses vieux jours. Il lui reste un perroquet dans une cage, un caniche frisotté, quelques bijoux d’or qu’elle a sauvés du désastre. Et son rire, son rire, une tornade. Et le perroquet qui hurle : sales flics.
Elle se fait appeler la Belle Hélène. La Belle Hélène, c’est son pseudonyme. Nous, les éducateurs, nos ne connaissons pas le prénom (ni le nom) qui figure sur son livret de famille. Elle aime raconter ses péripéties autour du bassin méditerranéen – le bassin méditerranéen, et pas que : elle a travaillé en Indochine quand l’état major français encourageait la création des BMC, pour assurer un encadrement sanitaire convenable et lutter contre les maladies vénériennes – quand, jeunette, elle offrait son corps aux militaires dans les bordels de campagne. Elle a travaillé dur, bourlingué, est montée en grade, devenant tenancière d’une baraque accueillante dans un camp militaire d’Algérie, économisé, un joli magot, elle a pu acheter un hôtel au Panier à Marseille. Ce quartier dans les années 1980 était perçu comme violent, très dégradé, s’y installaient des familles pauvres récemment immigrées. L’hôtel était de passe, ouvert aux prostituées du coin mais aussi aux amants qui cherchaient un lieu tranquille pour faire l’amour en toute discrétion. Les mœurs, le fisc lui sont tombés dessus, ont tout raflé. Elle a été condamnée pour proxénétisme, elle s’en défendait : jamais elle n’a touché de l’argent des prostituées qui passaient, simplement une juste rémunération pour le temps d’occupation d’une chambre. Une vie de travail et d’épargne pour assurer ses vieux jours. Elle se retrouve au foyer, comme elle dit, nue et crue, et maudit l’état qui a fait main basse sur son argent. Il lui reste un perroquet dans une cage, un caniche frisotté, quelques bijoux d’or qu’elle a sauvés du désastre. Le perroquet et le caniche ont été adoptés par toutes les résidentes du foyer, belle animation autour d’eux. Et son rire, son rire, une tornade. Et le perroquet qui hurle : sales flics.
2.
Elle se fait appeler la Belle Hélène. La Belle Hélène, c’est son pseudonyme. Nous, les éducateurs, nos ne connaissons pas le prénom (ni le nom) qui figure sur son livret de famille. Elle aime raconter ses péripéties autour du bassin méditerranéen – le bassin méditerranéen, et pas que : elle a travaillé en Indochine quand l’état major français encourageait la création des BMC, pour assurer un encadrement sanitaire convenable et lutter contre les maladies vénériennes – quand, jeunette, elle offrait son corps aux militaires dans les bordels de campagne. Elle a travaillé dur, bourlingué, est montée en grade, devenant tenancière d’une baraque accueillante dans un camp militaire d’Algérie, économisé, un joli magot, elle a pu acheter un hôtel au Panier à Marseille. Ce quartier dans les années 1980 était perçu comme violent, très dégradé, s’y installaient des familles pauvres récemment immigrées. L’hôtel était de passe, ouvert aux prostituées du coin mais aussi aux amants qui cherchaient un lieu tranquille pour faire l’amour en toute discrétion. Les mœurs, le fisc lui sont tombés dessus, ont tout raflé. Elle a été condamnée pour proxénétisme, elle s’en défendait : jamais elle n’a touché de l’argent des prostituées qui passaient, simplement une juste rémunération pour le temps d’occupation d’une chambre. Une vie de travail et d’épargne pour assurer ses vieux jours. Elle se retrouve au foyer, comme elle dit, nue et crue, et maudit l’état qui a fait main basse sur son argent. Il lui reste un perroquet dans une cage, un caniche frisotté, quelques bijoux d’or qu’elle a sauvés du désastre. Le perroquet et le caniche ont été adoptés par toutes les résidentes du foyer, belle animation autour d’eux. Et son rire, son rire, une tornade. Et le perroquet qui hurle : sales flics.
Elle se fait appeler la Belle Hélène. Elle adore Offenbach, ce surnom, elle l’a choisi en son honneur sans doute. Elle adore chanter : C’est le ciel qui m’envoie / Ce beau rêve amoureux…/ Quel bonheur ! Quelle joie ! / Un rayon de soleil a charmé mon sommeil. / Oui, c’est un rêve, un doux rêve d’amour ! Et les autres pensionnaires l’accompagnent en riant. La Belle Hélène, c’est son pseudonyme. Nous, les éducateurs, nos ne connaissons pas le prénom (ni le nom) qui figure sur son livret de famille. La directrice du foyer, peut-être ? Au Nid, l’anonymat est de rigueur. Elle aime raconter ses péripéties autour du bassin méditerranéen – le bassin méditerranéen, et pas que : elle a travaillé en Indochine quand l’état major français encourageait la création des BMC pour assurer un encadrement sanitaire convenable et lutter contre les maladies vénériennes – quand, jeunette, elle offrait son corps aux militaires dans les bordels de campagne. À Djibouti aussi, je crois. Elle a travaillé dur, bourlingué, est montée en grade, devenant tenancière d’une baraque accueillante dans un camp militaire d’Algérie, elle trônait derrière le comptoir du bar, réservait les chambres pour les militaires en goguette, s’occupait des filles avec douceur, elle a économisé, un joli magot, elle a pu acheter un hôtel au Panier à Marseille. Ce quartier dans les années 1980 était perçu comme violent, très dégradé, s’y installaient des familles pauvres récemment immigrées. L’hôtel était de passe, ouvert aux prostituées du coin mais aussi aux amants qui cherchaient un lieu tranquille pour faire l’amour en toute discrétion. — Ici, je tiens à dire que Hélène était surprenante d’amoralité. Absolument pas concernée par les notions de bien et de mal, de morale quelle soit religieuse, laïque, sociale. Mais pas anti-sociale, non, pleine d’empathie pour ceux qui souffrent. J’étais fascinée par cette femme forte, courageuse, drôle, cynique parfois – Les mœurs, le fisc lui sont tombés dessus, ont tout raflé. Elle a été condamnée pour proxénétisme, elle s’en défendait : jamais elle n’a touché de l’argent des prostituées qui passaient, simplement une juste rémunération pour le temps d’occupation d’une chambre. Elle a tout perdu. Une vie de travail et d’épargne pour assurer ses vieux jours. Elle se retrouve au foyer, comme elle dit, nue et crue, et maudit l’état qui a fait main basse sur son argent. Il lui reste un perroquet dans une cage, un caniche frisotté, quelques bijoux d’or qu’elle a sauvés du désastre. Je disais plus haut combien elle était naturellement juste : une jeune fille, ayant rencontré l’homme de sa vie, a quitté le foyer, elle lui a offert des boucles d’oreilles d’or et c’était pour elle une immense joie. Le perroquet et le caniche ont été adoptés par toutes les résidentes du foyer, belle animation autour d’eux. Et son rire, son rire, une tornade. Inoubliable son rire, éclatant, incontrôlable, communicatif. Et le perroquet qui hurle : sales flics. D’accord avec lui pour ce qui concerne l’histoire d’Hélène.
3.
Elle se fait appeler la Belle Hélène. Elle adore Offenbach, ce surnom, elle l’a choisi en son honneur sans doute. Elle adore chanter : C’est le ciel qui m’envoie / Ce beau rêve amoureux…/ Quel bonheur ! Quelle joie ! / Un rayon de soleil a charmé mon sommeil. / Oui, c’est un rêve, un doux rêve d’amour ! Et les autres pensionnaires l’accompagnent en riant. La Belle Hélène, c’est son pseudonyme… Nous, les éducateurs, nos ne connaissons pas le prénom (ni le nom) qui figure sur son livret de famille. La directrice du foyer, peut-être ? (Au Nid*, l’anonymat est de rigueur.)… Elle aime raconter ses péripéties autour du bassin méditerranéen – le bassin méditerranéen, et pas que : elle a travaillé en Indochine quand l’état major français encourageait la création des BMC pour assurer un encadrement sanitaire convenable et lutter contre les maladies vénériennes – quand, jeunette, elle offrait son corps aux militaires dans les bordels de campagne. À Djibouti aussi, je crois. Elle a travaillé dur, bourlingué, est montée en grade, devenant tenancière d’une baraque accueillante dans un camp militaire d’Algérie, elle trônait derrière le comptoir du bar, réservait les chambres pour les militaires en goguette, s’occupait des filles avec douceur, elle a économisé, un joli magot, elle a pu acheter un hôtel au Panier à Marseille. Ce quartier dans les années 1980 était perçu comme violent, très dégradé, s’y installaient des familles pauvres récemment immigrées. L’hôtel était de passe, ouvert aux prostituées du coin mais aussi aux amants qui cherchaient un lieu tranquille pour faire l’amour en toute discrétion. — Ici, je tiens à dire que Hélène était surprenante d’amoralité. Absolument pas concernée par les notions de bien et de mal, de morale quelle soit religieuse, laïque, sociale. Mais pas anti-sociale, non, pleine d’empathie pour ceux qui souffrent. J’étais fascinée par cette femme forte, courageuse, drôle, cynique parfois – Les mœurs, le fisc lui sont tombés dessus, ont tout raflé. Elle a été condamnée pour proxénétisme, elle s’en défendait : jamais elle n’a touché de l’argent des prostituées qui passaient, simplement une juste rémunération pour le temps d’occupation d’une chambre. Elle a tout perdu. Une vie de travail et d’épargne pour assurer ses vieux jours. Elle se retrouve au foyer, comme elle dit, nue et crue, et maudit l’état qui a fait main basse sur son argent. Il lui reste un perroquet dans une cage, un caniche frisotté, quelques bijoux d’or qu’elle a sauvés du désastre. Je disais plus haut combien elle était naturellement juste : une jeune fille, ayant rencontré l’homme de sa vie, a quitté le foyer, elle lui a offert des boucles d’oreilles d’or et c’était pour elle une immense joie. Le perroquet et le caniche ont été adoptés par toutes les résidentes du foyer, belle animation autour d’eux. Et son rire, son rire, une tornade. Inoubliable son rire, éclatant, incontrôlable, communicatif. Et le perroquet qui hurle : sales flics. D’accord avec lui pour ce qui concerne l’histoire d’Hélène.
* L’Amicale du Nid a été créée en 1946. C’est une association nationale, loi 1901, laïque et indépendante qui est présente à Marseille depuis 1961.
En 1980, l’équipe recevait en internat les femmes majeures en situation actuelle ou passée de prostitution et les accompagnait vers des alternatives à la prostitution, voulant croire à leur réinsertion sociale.
oui, pile ce processus qu’il est si important d’amorcer !
La Belle Hélène, elle me plaît. J’aurais aimé prendre un pot avec elle.