Codicille : après avoir beaucoup tourné dans la forêt du manque de temps, je m’assieds à ma table de travail. Je ne parviens pas jusqu’à cet arbre autobiographique. Je me désole. J’aime les arbres et je ne veux pas perdre de vue le groupe de mes camarades que je vois avancer sur ce sentier. D’un coup, je suis seule. Je n’irai pas plus loin. Je sais forcer le passage en m’appuyant sur les mots et c’est ce que je ferais si les arbres me barraient la route, s’ils étaient tombés sur la voie. Mais aucun tronc ne fait obstacle. C’est l’enchevêtrement des racines de la forêt du dessous qui m’arrête là, qui m'arrime là depuis de nombreuses années. Par endroit, elles soulèvent le sol. J’en prends note. Des notes rudimentaires, petit calepin, mauvais crayon de bois penaud. Je suis la garde-forestière maladroite de ces traces et de ces marques puissantes qu’il faut chercher sur place, en forant à l’aveuglette le sol lourd. Ici, ces archives.
J’ai fini par repérer
(CerneS DE CROISSANCE / Avril 2018)
Quels êtres humains avaient
À peu de chose près
Le même âge que moi
J’ai un œil pour cela
Un œil à ça
Pourquoi cela m’importait-il tant ?
C’est que le miroir ment, ment, ment
Comme je respire dedans
Et l’embue, de ma personne imbue
Vue de l’extérieur, l’usure du temps
Éloquente, bavarde souvent
Sans faux semblant
Je vois l’âge juste, mais aussi l’enfant
Tout étonné encore d’être là
Cet âge, ce poids, ce geste
Si précis, si maladroit
J’ai un œil pour cela
Un œil à ça
Mais pour les arbres, je ne sais pas.
G ( parlé ) : Où sont-ils allés ?
H ( parlé ) : Ils s’en sont allés !
G : Comme la première fois, tout seuls au milieu du bois
H : Oui, Gretel, Comme la dernière fois
G : Mais les cailloux, Hansel, nous n’en avons pas cette foi
H : Mais le pain, Gretel, Je l’ai semé derrière moi
G : Je ne le vois pas, tu le vois, toi ?
H : Il doit pourtant être là, tout le long du chemin
G : Oh Hansel, les oiseaux l’ont mangé, ton pain
H : Je ne le crois pas
G : Tu vois bien qu’il n’y a plus rien
H : Ce n’est pas du jeu !
G : Plus de pain et plus de chemin
H : Plus de pain et plus de chemin
G : Plus de pain et j’ai faim, Hansel
H : J’ai faim aussi , Gretel
G : J’ai faim et j’ai peur
H : J’ai peur aussi
G : Et j’ai froid
H : Viens contre moi
H+G : Nous sommes perdus cette fois
Perdus et perdus
Le froid et les loups,
la grande nuit va tomber sur nous
La nuit aux grandes dents
La nuit sans papa ni maman
Serre toi contre moi Hansel / Gretel
Dans le ventre de l’arbre creux
Hansel tout contre Gretel / Gretel tout contre Hansel
Demain nous verrons mieux
Si demain vient, si demain vient
Viens Hansel / Gretel
Viens.
Hansel et Gretel / Livret juin 20
Il n’y a qu’un arbre
À MESURE ÉGALE / MARS 21
Dans la grande forêt du monde
Un arbre ou un arbre
Pour prendre ta place
Contre ma joue, entre mes bras
Pour battre tout contre
Ma poitrine comme
Bat ton cœur contre ma poitrine
À mesure égale
Au-delà des larmes
Les yeux grands secs sont des vitres Fraîchement lavées
Ainsi dans le vent
De la forêt d’arbres nus
Mes yeux voient plus clair
Les arbres sans feuilles
Sonnent plutôt qu’ils ne bruissent
Craquent, chuintent et grondent
Mais si le son passe
Et traverse de part en part
Leur temple sans toit
Le froid ne sait pas
Où me trouver en évidence
Au beau milieu d’eux
Leur conversation
Houleuse se moque de moi
Tout petite enfant
Il n’y a qu’un arbre
Si tu demeurais introuvable
Au terme des jours
Et des nuits battues
Chien à l’affut, torche à la main
Quand tu serais mort
Pour le mal de moi
Il n’y a qu’un arbre qui soit
Ton cœur tout vivant.
Splendide mythologie
que toi que toi que toi
Egrenant dans ta course
Petit’ chanteuz farouche
Sur le socle de bois abattu combattu
Sur le socle de bois
Ô diapason manouche
Ton corps en Arbre ré mineur
Quel présent que ce poème ! J’en suis tout étonnée. Merci, merci, Françoise !
oh la grande forêt du monde… je te découvre grâce à l’écoute en décalé du zoom de lundi
superbe juxtaposition de matières différentes, et puis la voix aussi forcément
merci Emmanuelle
Merci, chère renarde, d’être passée par là.