Photo : Jérôme Cé, novembre 2021, tous droits réservés
Je n’offre aucune ombre, je suis l’ombre, cette ombre qu’on dit insane. Passez votre chemin ! Mes feuilles larmes sont tombées, sèches, depuis loin. Pliez vos mouchoirs ! La taille de mon tronc vous écrase de toute sa contre-plongée. Alors, s’il vous plaît, laissez tomber vos haches et vos cognées. Ma circonférence séculaire vous épuisera. Rangez vos précis de dendrochronologie ! Mon écorce cuirasse fera sauter les dents de vos engins. Arrêtez vos tronçonneuses ! Ma peau fossile a connu les déserts. Soufflez-vos flambeaux ! Ma peau écaille écorchera vos mains. Ne tentez pas de vous agripper ! Mes branches crabes, j’en ai quatre, vont vous déchiqueter. Gardez vos distances ! Mes branches fouets, j’en ai quatre, vont vous lacérer. Sauvez votre peau ! Mes branches tentacules, j’en ai quatre, vont vous broyer. Pensez à vos os ! Bestioles et saisons m’évitent. Faites comme elles ! Mes branches rasoirs, j’en ai quatre, jamais un oiseau pour s’y poser, installer son nid ou pousser son chant. Mes branches rasoirs, j’en ai quatre, les vents et les tempêtes gémissent quand ils s’y déchirent. Mes branches rasoirs, j’en ai quatre, tailladent le ciel qui toujours de rouge, inonde autour de moi. Je viens des grands bois, des grands bois sombres du dessous la terre où rampent les cauchemars de vos morts. Ils remontent par mes racines, irriguent ma sève puis s’échappent dedans vos nuits. Arbre majestueux des souffrances. Enraciné. Solide.
s’appuyer sur l’ombre pour installer la voix narrative, chapeau
Du militantisme poétique! 🙂
Votre texte est très fort. Merci.