Table aux écritures, face à la haute fenêtre d’où l’on voit la rue. La chaise inconfortable sur laquelle repose un coussin pour le dos. Espace pour traduire uniquement, pour se perdre et s’enfouir dans les langues de ces peuples qui avaient l’art de chasser les peurs. Il écrit: De l’eau debout ? — La canne à sucre.
La haute fenêtre de la deuxième chambre donne sur le port. La table aux écritures, plus grande, est recouverte de livres dont certains sont ouverts, retournés parfois, marqués le plus souvent de papier cartonné de différentes couleurs. Là aussi, là encore, il s’attarde toujours. Il écrit : La main sème, les yeux récoltent ? — Ecrire et lire.
Les deux hautes fenêtres de la troisième pièce ouvrent elles aussi sur le vieux port. Entre elles, la table aux écritures est encore plus grande, surchargée d’appareils reliés par des fils. Là encore, là aussi, il s’attarde toujours. Il imprime ce qu’il vient d’écrire : Les formes sont des mots qui se glissent subrepticement dans notre esprit, et nous paralysent.
La haute fenêtre de la quatrième pièce donne sur la rue. Un coussin pour le dos sur la chaise inconfortable. La table aux écritures, plus grande encore, ne contient rien. Une bouteille d’eau à moitié pleine, un verre sale, un chiffon maculé de taches, des boites de métal noir, quelques pinceaux. Là encore, là aussi, il s’attarde souvent. Il n’écrit rien. Il aquarelle.
Les deux hautes fenêtres de la dernière pièce donnent sur la cour intérieure. Pas de coussin pour le dos sur la chaise inconfortable. La table aux écritures est immense. Là aussi, là encore, il reste longtemps. Il écrit : Comprendre n’est rien : mais tenter d’aller au bout de tous les corridors obscurs, essayer d’ouvrir quelques portes : c’est à dire au fond, tenter de survivre.
Codicille : toutes les phrases en italiques appartiennent à J.M.G. Le Clezio – extraites de Sirandanes et de Haï. Elles ont été rencontrées lors d’un voyage dans le temps. Si ma mémoire est bonne, celui-ci a quelques rapports avec un couloir de l’amour.
tien moi aussi je pensais à des fenêtres mais j’avais un problème sur la concordance entre ce sur quoi elles ouvraient si elles appartenaient au même lieu… vais corriger mes scènes (rien d’écrit pour le moment) d!s que pourrais tenter
mais j’aime beaucoup vos fenêtres qui en fait amènent chacune sa table
le texte condensé comme un rêve, me dit presque tout! merci Hugo…(avec en écho les phrases de Le Clezio.)
sept fenêtres et cinq chaises, cinq cadres d’écriture, une rue et le vieux port deux fois, une rue encore puis cette cour intérieure…
Le suivrait-on, en plan séquence, d’une pièce dans l’autre? ce jour où impuissant à écrire il ouvrirait simplement une porte puis l’autre ( cinq en tout comme les tables)… Puis en rêve saisirait le chiffon tout taché et il effacerait à rebours l’image qui revient en boucle …
Merci Ugo
Brigitte, Isabelle, Nathalie merci de vos regards bienveillants. Immenses merci surtout de vos écritures respectives. Merci
Chambres à hautes fenêtres qui donnent sur un port, une cour, un extérieur…
(je relis encore une fois)
on sent celui qui écrit sur la table
on sent l’écriture