ses yeux se referment, elle s’est rendormie ; le mobile descend ;
sur cette autre petite scène du théâtre miniature, elle, l’artiste au visage de madone qui répond au nom de famille de Cage, bouge étrangement c’est parce qu’elle fait partie du groupe de 12 percussionnistes réunissant alors en 1943 à New York terre de réfugiés d’une Europe lacérée 125 instruments dont l’assemblage peut surprendre tant il est incongru -ressemblerait-il dans le couloir du train au passage d’ une joyeuse et sonore flopée d’enfants ?- et, (du moins visuellement) dissonant offrant à l’écoute professionnelle autant que dilettante le son de tôles, de cymbales, de baignoires, de tambours, de tom-toms, de gongs chinois, de pots de fleurs Elle qui se souvient des chants de l’église russe orthodoxe de son enfance à Juneau, Alaska, elle descendante d’une grand-mère Inuit et d’un grand-père capitaine de bateaux frappe habilement sur les gongs sans rien dire comme pour en extraire de l’or tout l’or de Juneau jadis terre aurifère terre de bijoux enfantins qui relie à l’orient par le détroit de Béring aux grands espaces sibériens lui ont donné son nom premier de jeune fille soit Kashevaroff et inscriront son timide sourire de déjantée exotique – si charmant en vrai aux yeux de John Steinbeck et surtout d’Ed Ricketts le doc de Cannery Row– au cœur de ses mobiles de bois de balsa et de papier de riz Devant Max et Peggy elle essaie avant de jouer d’écouter les autres sonorités lui rappelant les chants dans cette église de Juneau où son père est prêtre le chant aussi de Jimmy Rodgers dans Frankie and Johnny qui plus tard fait danser sans pareille son amie stripteaseuse Gypsy Rose Lee et qui dit : The sheriff arrested Poor Frankie/ took her to jail that same day/ he locked her up in a dungeon and threw the key away/ she shot her man cause he done her wrong….(lui ferait sans doute penser plus tard à Merce C.). Elle continue de bouger et percussionner dans cette saynète du train, elle, petit bâtonnet souple et élégant de cire et d’argile s’unissant au décor d’un nouvel alphabet, d’une nouvelle séquence de lettres de mots semblerait- il presque tatoués sur le corps de John ou le sien aussi bien celui de marins inconnus ou ici des drapés de l’épais baldaquin
la vierge (semble-t-il) endormie s’estompe et la nuit lourde et compacte prend sa place
le passage du train ressemble à une respiration retenue coulée en apnée
Saul de Tarse sur le chemin de Damas prend peur et s’endort
Merci pour ce texte qui nous plonge au coeur de sonorités à la fois inédites et historiques. J’aime le ton de votre propos et la façon d’amener le personnage qu’on a envie de rencontrer et ce merveilleux sourire mélancolique … […] » son timide sourire de déjantée exotique – si charmant en vrai aux yeux de John Steinbeck et surtout d’Ed Ricketts le doc de Cannery Row– au cœur de ses mobiles de bois de balsa et de papier de riz Devant Max et Peggy elle essaie avant de jouer d’écouter les autres sonorités lui rappelant les chants dans cette église […]
Bonsoir Marie-Thérèse et vraiment merci pour votre commentaire et le passage que vous reprenez qui vous a particulièrement plu! A très bientot ici !…