un jardin, ou la terre battue d’un enclos plutôt, avec deux arbres et une maison s’ouvrant par une véranda à l’arrière plan, un fauteuil d’osier transplantés dans la Chine d’après la guerre des boxers, et puis une robe blanche et sur les genoux un minuscule être enfoui dans de la dentelle
un jardin, ou la terre battue d’un enclos plutôt, avec un escalier montant vers le seuil d’une villa, un arbuste croulant de fleurs, une terrasse bordée de balustres, un soleil lourd et ardent, trois silhouettes enfantines
une plage et une petite jetée au ras de l’eau en fond d’image, la baume et la plage arrière d’un voilier, les bleus du ciel ardent et de la mer frissonnante, les jambes d’un barreur
un jardin, un grand fauteuil d’osier rouge et grège posé sur la terre battue, une table basse en bambou en équilibre instable sur le ravinement de la terre, un pin parasol, une ruine en ciment armé et des buissons de lentisques
une allée bordée de buis, s’élargissant à mi-chemin pour entourer une fontaine de pierre moussue, avant de reprendre, étroite, vers la marquise d’une petite villa en briques
des arbres chargés de neige au delà des vitres d’une salle où sont alignées des chaises longues
les pins qui dégringolent en même temps que la rue vers la mer qu’ils cachent
les frondaisons de l’île au delà de la Seine, de la route vers Paris, d’une pente herbue, contemplées depuis un balcon
Tu n’as pas capté ces images, tu ne les as pas vues, elles n’existent pas, elles étaient pourtant sans doute là, passant entre tes yeux et ce qu’ils regardaient, lorsque des mots rappelaient des souvenirs, lorsqu’une voix revenait dans ton présent, lorsqu’un nom de ville, de personne, une atmosphère, un thème, des idées leur rendaient un semblant d’évidence.
deux fines ceintures de cuir brun sur deux robes de coton blanc, l’enfant encore poupine l’a remontée au milieu du buste, l’aînée la porte sur les hanches comme les dames, heureuse de s’être vue liane souple dans la glace de l’armoire et les yeux des autres filles
le bonheur de se voir dans les yeux de cet homme, son fiancé, si différent des gamins de son âge, et tant pis pour les fleurs du parterre cultivé par sa sœur sur lequel se sont posés
il a raison cet idiot qui prétend que le geste gracieux ne suffit pas au tennis, la balle est insensible au charme
l’annonce de la mort de son jeune frère, les enfants enfermés dehors, si seule pour retenir ses larmes, l’imbécilité des hommes, la cruelle futilité des guerres
le repos forcé, s’obliger à apprécier toutes ses compagnes de maladie, s’entêter, guérir, chercher à toucher les enfants dans les lettres qu’elle reçoit
les longues conversations dans le salon au dessus de la mer, parler de livres, de musique, accueillir avec charme les descriptions des jeunes femmes aimées par ses jeunes amis
les fêtes, une harmonie de vie même dans les disputes, l’appartement le plus petit où tous se retrouvent sans cérémonie visible
en retrait, presque noyée dans un buisson et d’autant plus présente, à la lisière des groupes qui parlent, se restaurent, présence essentielle, cloitrée dans la surdité qui s’installe, regarder vivre avec leurs amis les êtres issus d’elle et de ce corps qui vient d’être enterré
Présence rencontrée dans des albums, présence qui a perdu le mouvement qui faisait sa grâce, images perdues et voix effacée, un écho persistant encore dans ses filles pour ceux qui savent deviner, des souvenirs devenus légendes sans support, un surnom que ne connaissent plus les plus jeunes, cinq photos dormant sur des meubles dans cinq sur six demeures.
« les pins qui dégringolent en même temps que la rue vers la mer qu’ils cachent »
Magnifique ce jeu d’images comme des fragments tombés d’une vie; comme une histoire à trous poudrée de lumière…
la terre retournée et les fleurs,la neige impression sépia de photos « cinq photos dormant sur des meubles dans cinq sur six demeures. » et cette adresse ce tu qui nous appelle et tire à lui les images…
un très très grand merci Nathalie… question ne pas être sure de moi… n’étais pas sure de moi
en fait c’est le paragraphe du « tu » au milieu du texte qui donne soudain un relief, une vie, une voix entre images et souvenirs…
c’était une traduction de la consigne
Les images de Nathalie les pins et les photos dans cinq demeures et le tu comme dit Françoise au milieu qui accroche, plante et assied l’ensemble. Très beau et une parfaite illustration de ce qu’il faudrait faire si je n’étais pas larguée. Merci. Ça donne envie de revenir à cette #14.
pas certaine que ce soit une parfaite illustration 🙂
c’est ce que je pouvais (et pas contente)
Commencer par ces jardins installe quelque chose de très paisible, très fluide et donne envie de s’y installer… Beaucoup aimé.
merci Solange
Beaucoup aimé les images d’entrée, paysages paisibles peints avec délicatesse, avec juste un soupçon de présence humaine à chaque phrase, puis crescendo après le Tu qui apostrophe, des vies esquissées bonheur chagrin et le retrait, le récit qui amène vers un effacement nostalgique…Merci. J’aimerais bien finir ma 14 avec de telles images…
Monika, merci
bon il y a le 15 et là : le blanc encore davantage que pour les précédents