dans l’un deux – elle s’était encore réveillée – n’avait-elle pas trouver un jour en vrai il y a quelques années une carte postale en noir et blanc dont l’image représentait un bateau malmené par une mer agitée sous un ciel pommelé une photographie (sorte de bateau-tableau) au dos de laquelle une phrase lacunaire était écrite et disait : chère petite sœur, ceci pour te donner une idée de la mer par temps de tempête. Bonnes amitiés, à bientôt. O*.
le bateau où elle s’était trouvée en laissant les côtes syriennes avait recouvert une mer sombre semblait-il d’un tissu épais et rugueux au regard, indéchiffrable pareille à une énigme un vague tunnel où les plus petits mouvements de l’eau renvoyaient un par un à des souvenirs des épisodes de sa vie passée maintenant fractale n’existant plus que dans sa mémoire sous le soleil qui la cuisait
c’était à une période où ses petits fiancés s’amusaient à la pousser dans l’eau de la barque des grands-parents qui accusait souvent le passage de plusieurs couches successives de peinture elle pour qui tout était vierge d’actes et de sens
O. de la carte postale n’avait pas choisi une reproduction de Turner ni de Friedrich puisqu’il s’agissait d’une vieille photo qui par rapport au temps de l’écriture de la carte indiqué par la date écrite au stylo annonçait un écart temporel éclatant elle l’avait trouvée dans ce livre ancien jauni mangé par les années aussi peut-être par les rats et acheté sur un marché à Damas en 1990
les images retransmises par les médias reflétaient les travestissements déguisements de l’information et des motifs au sujet de la guerre
le président syrien apparaissait sur les murs de la ville tantôt sérieux derrière des lunettes de soleil noires tantôt l’air indifférent ou au sourire vaguement goguenard comme aurait pu être celui d’un acteur de cinéma
les protestants des villes syriennes offraient de l’argent aux autres chrétiens pour qu’ils se convertissent
cette image de la langue italienne : brutto come la fame : laid d’aspect comme la faim
ce commentaire au sujet des films de Raul Ruiz : le mélange des mondes offre une sorte de violence primitive, una lingua franca !
comme ces mèches ces langues tirées à l’intérieur des lampes à pétrole hypnotisaient ressemblaient à des couteaux !
comme les corps cherchaient à se rassembler tels des ilots des terres ou des fantômes
cet autre message d’une autre carte postale dans un autre livre : Overseas territories, one year or so before the end of the war ?…