Lui, cette voix insaisissable paraissant naître sur toute sa surface lorsque le vent accompagne le rafraîchissement de l’air. Lui mais peut-être faudrait-il dire elle, cette voix qui ne se donne à elle aucun nom mais qui se mêle au peuple des créatures inspirantes, celles qui font parfois la haie d’honneur à l’enfant qui commence à rêver une fois que sa bicyclette a pu atteindre une certaine vitesse. Cette voix passe-partout qu’on peut entendre aussi bien près des cabanes de berger abandonnées que derrière la palissade d’un futur paradis à Aubervilliers, murmurant toujours qu’il faut un temps pour les fleurs, qu’il faut un temps pour les baies. De quoi scier net tous les destins de pylônes en béton. Prévenir du vent qui vient lui suffirait sans doute comme mission, en alerte, sans rien lancer, juste mettre sa voix en amplificateur de ce qui ploie, de ce qui secoue, de ce qui menace de briser net. Et puis se taire pour laisser murmurer les abeilles de plaisir et une autre saison, les merles. Cette voix qui protège des souvenirs tous faits, qui fait écran pour que vivent les saveurs brutes, celles du miel, celles de l’âcre verdure du trop jeune printemps et donc, pour cela, remplir la haie ! Jusqu’à la surcharge des feuilles démultipliées et larges, en profitant des branches flexes. Lui-elle et donc sa voix joueuse, sa voix qui se fait trompeuse juste le temps que l’on y réfléchisse bien. A ce qui a poussé à une nuit entière au pied de l’arbre rond par exemple. Et, s’il ne faut pour ça, inviter jusqu’aux reins du dormeur des groins de sanglier par un refrain de baies pourrissantes. Elle alors, indiscutablement elle, et sa manière de suggérer à la chinoise qu’elle peut entrer jusqu’au cœur profond de la maison, que nulle poignée de porte ne lui résiste, flexe alors comme le plus habile des crocheteur de serrure, redevenant alors plutôt lui ? Poussant à deux branches, elle et lui, d’un tronc qui s’est enroulé à la vigne et surveille désormais la maison, parlant des jours de lumière à l’automne et des soirs de fraîcheur au printemps. Flexe, tellement flexe, la voix détachée comme un rameau de sa branche qu’elle se fait oublier entre les discours d’outils et les discours de fête, elle a donné pourtant des mots d’accueil, des mots à se dire soi. Lui, et sa voix de contrepoint accroche parfois un pan de jupe au passage de la haie, pourvu que le vélo aille assez vite… Oh, même pas, on reste flexe, dans la famille. Keep cool. On ne l’a jamais trouvé en Afrique, place à d’autres. Ne fait pas de marques non plus après disparition du coin du mur. Laisse ça au lierre.